Le cancer du sein héréditaire

Bon à savoir
  • Le caractère héréditaire du cancer est une question complexe. Demandez toujours conseil à votre médecin si vous vous demandez si votre cancer du sein peut être héréditaire ou familial.
  • Adressez-vous toujours à l’un des huit centres de génétique agréés si avez à subir un test. Chaque centre est associé à une université belge.
  • Si l’un des deux parents est porteur du gène BRCA, il y a 50 % de risques que la mutation soit transmise au bébé au cours d’une grossesse naturelle.
  • Si vous voulez vous assurer de ne pas transmettre cette anomalie à vos enfants, vous pouvez opter pour le test génétique pré-implantatoire (TGP), une forme de sélection d’embryons possible uniquement dans le cadre d’une FIV.

Certaines personnes sont plus exposées au cancer du sein que d’autres. On parle alors d’une forme familiale de cancer du sein qui se reproduit sur plusieurs générations. 5 à 10 % des cancers du sein et des ovaires sont héréditaires. Ils sont causés par une mutation génétique, une aberration congénitale dans votre ADN que vous avez héritée d’un de vos parents.

On connaît actuellement plusieurs gènes jouant un rôle important dans le cancer héréditaire du sein ou de l’ovaire. Les plus connus sont les gènes BRCA1 et BRCA2 (BRCA étant l’abréviation de BReast CAncer). Une personne porteuse d’une mutation ou d’une aberration dans le gène BRCA aura 60 à 80 % de risque d’avoir un cancer du sein et 20 à 40 % de risque d’avoir un cancer des ovaires. Les hommes porteurs d’une mutation du gène BRCA ont également un risque accru de développer un cancer du sein: environ 1 % pour le gène BRCA1 et 7 % pour le gène BRCA2. Le risque de cancer de la prostate est augmenté à 15 % chez les hommes porteurs d’une mutation BRCA2.

Les hommes comme les femmes peuvent avoir cette prédisposition génétique et la transmettre à leurs enfants. La déficience est dominante, c’est-à-dire qu’il y a toujours 50 % de risque que les enfants héritent de ce gène déficient du parent porteur. La forme héréditaire se distingue de la forme non héréditaire par le fait qu’elle est détectée à un plus jeune âge, entre 35 et 60 ans, et parce que les patient(e)s avec un cancer héréditaire courent un plus grand risque de cancer des deux seins. Une femme avec une mutation BRCA ayant déjà eu un cancer du sein présente un risque de cancer à l’autre sein dans 40 à 60 % des cas. Les porteurs d’une mutation du gène BRCA développent également plus souvent des tumeurs triple négative.

Depuis peu, d’autres mutations génétiques qui pointent un plus haut risque de cancer du sein sont également testées, mais elles présentent un risque beaucoup plus faible que les mutations BRCA classiques (par exemple PALB2 et CHECK-2).

Le gène TP53 est également à l’étude, pour lequel les mutations sont plus rares, mais présentent un risque très élevé de cancer du sein à un très jeune âge. « Les femmes porteuses d’une mutation dans ces gènes ont un risque de 20 à 60 % d’avoir un cancer du sein avant l’âge de 70 ans », indique le professeur Bruce Poppe (chef de département au Centre de génétique médicale à l’UZ Gent). Lorsque le cancer du sein a été diagnostiqué chez plusieurs membres d’une famille sur plusieurs générations successives, il s’agit probablement d’une forme héréditaire de cancer du sein. Chez environ 10 % de ce type de famille, on constate une mutation dans un des gènes cités. Dans d’autres familles, on parlera plutôt d’une prédisposition familiale. Il est possible que d’autres facteurs génétiques dont nous ne connaissons pas encore l’existence influent sur le risque de cancer. Là aussi, un bon suivi s’impose.

Le test génétique

Pour évaluer le risque héréditaire, un examen génétique est nécessaire. Dans la plupart des cas, votre médecin traitant vous enverra faire un examen génétique sur la base de votre histoire personnelle et familiale. Cet examen se fait en principe à partir de 18 ans. Vous pouvez aussi consulter le Centre de génétique médicale de votre propre initiative. Il est vivement conseillé d’en parler au préalable avec l’infirmière coordinatrice et/ou avec votre médecin (traitant). Les consultations de ce service sont remboursées par la sécurité sociale.

Le test génétique a un impact considérable, même si la prise de sang se déroule rapidement. Le résultat peut en effet avoir une influence importante sur vous, ainsi que sur votre entourage. Au cours du test, votre histoire familiale est passée en revue, et des échantillons de sang sont prélevés. Un généticien médical et un(e) psychologue ont un premier entretien avec vous. L’étude moléculaire des prises de sang prend quatre mois si vous êtes la première personne de votre famille à vous faire tester. Si vous subissez durant cette période un traitement pour le cancer du sein, les résultats peuvent arriver plus rapidement afin de disposer des informations nécessaires pour votre plan de traitement. Les résultats vous seront personnellement communiqués dès qu’ils seront connus.

Le test génétique fait suite à un diagnostic de cancer du sein? Dans ce cas, sachez que vous pouvez en parler à l’infirmière coordinatrice ou à l’onco-psychologue. Demandez éventuellement unrendez-vous dans un Centre de génétique médicale, afin qu’ils puissent étudier les résultats avec vous.

Être malade et surmonter le cancer, ça a été très dur pour moi. C’est au moment de ma guérison que l’enfer a vraiment commencé pour moi. Mes filles aussi étaient concernées. Mon sentiment de culpabilité était énorme : et si mes filles avaient, elles aussi, un cancer ? Et mes petites-filles ?

Marie, 54 ans

Quels sont les signes d’un cancer du sein ou d’un cancer des ovaires héréditaire?

  • Si vous avez (eu) un cancer du sein avant vos 40 ans ;
  • Quel que soit l’âge dans le cas du cancer des ovaires ;
  • Si le cancer du sein survient chez deux membres de la famille âgés de moins 
    de 50 ans ;
  • Quand le cancer du sein ou des ovaires est diagnostiqué chez au moins trois femmes de la famille, dont une de moins de 50 ans ;
  • Quand vous avez un cancer des deux seins, sans qu’il s’agisse de métastases, avant vos 50 ans ;
  • Tous les hommes ayant (eu) un cancer du sein ;
  • Si vous avez (eu) un cancer du sein triple négatif avant vos 60 ans.

« L’examen ne démontre pas d’hérédité ? Alors, il n’y a pas de test d’hérédité à effectuer pour votre famille », explique le professeur Bruce Poppe (UZ Gent). « Le risque de cancer du sein est estimé par rapport aux antécédents familiaux. C’est la base du programme de suivi adapté. »

La nouvelle que j’étais porteuse m’a fait l’effet d’une bombe. Je n’y étais en effet absolument pas préparée. Je me vois encore assise chez le généticien avec ma sœur. Aussi nerveuses l’une que l’autre. Nous avons toutes les deux appris que nous étions porteuses du gène. J’avais pourtant espéré y échapper, parce que je ressemble plus à mon père. Le généticien nous a submergées d’informations médicales et de conseils, mais je ne voyais que bouger ses lèvres. Je n’assimilais rien de ce qu’il était en train de nous dire.

Anne, 30 ans

Si le résultat montre l’hérédité du cancer, les médecins vous aideront à établir un plan de suivi médical, de manière à détecter le cancer à temps. La décision de vous soumettre à une étude génétique vous appartient entièrement. Il en va de même pour le reste de votre famille. Si une anomalie génétique est constatée, les résultats de leurs tests seront connus environ quatre semaines après.

Les tests génétiques se démocratisent actuellement, mais parfois d’une manière incontrôlée. Des entreprises vendent sur Internet des kits de tests à faire vousmême, avec résultats envoyés par simple e-mail. Reste à mesurer la portée des informations. Vous savez peut-être que vous êtes porteur(se) d’un gène défaillant, mais vous n’en savez pas plus sur le risque d’avoir un cancer du sein. Cette incertitude peut être très lourde à porter.

Il vaut donc mieux vous adresser à un Centre de génétique médicale, qui vous donnera toutes les informations nécessaires et vous fournira le soutien psychologique dont vous aurez besoin. Il existe huit centres génétiques en Belgique dans les villes de Bruxelles, Liège, Gosselies, Anvers, Louvain et Gand. Votre médecin vous guidera si vous avez des questions.

Les options et le choix des traitements

Vous êtes en bonne santé, mais apparemment porteur(se) d’un gène déficient pouvant causer le cancer du sein. Que faire ? Vous pouvez décider de vous faire examiner régulièrement. Un contrôle tous les six mois chez le médecin, une mammographie et une échographie tous les ans, ainsi qu’une IRM des seins.

« Suivant l’anomalie décelée, le suivi commence entre 25 et 35 ans, ou du moins 5 ans avant l’âge du premier diagnostic de cancer du sein dans la famille, si la personne concernée avait moins de 25 ans », explique le professeur Bruce Poppe (UZ Gent). La détection et le traitement du cancer à un stade précoce n’offrent toutefois pas toujours la garantie d’une guérison complète. Environ 15 % des femmes qui font l’objet d’un suivi rigoureux et tombent malades ne survivent pas au cancer.

Il existe une manière radicale de battre la maladie en brèche : la double mastectomie préventive. Elle fait reculer le risque de cancer du sein à 1 ou 2 %. C’est moins que la moyenne nationale, mais il reste toujours un faible risque de résidu de tissus glandulaires. Les progrès en matière de reconstruction mammaire permettent aujourd’hui d’obtenir des résultats très satisfaisants, mais sachez que votre corps subit un changement radical. Il est tout à fait normal que vous ressentiez de la tristesse à la suite du changement de votre corps.

« Il a été constaté qu’un examen régulier ne garantit pas la détection précoce d’un cancer des ovaires », souligne le professeur Bruce Poppe (UZ Gent). « Une ablation préventive est beaucoup plus sûre pour ce type de cancer. » Cette opération change votre corps fondamentalement, en raison de la disparition des hormones sexuelles. Consultez votre médecin pour discuter de la prise d’hormones afin de compenser cette perte.

Think Pink finance la recherche d'un vaccin contre le cancer du sein

Pourquoi les femmes encourent-elles 50 % de risques en moins de développer un cancer du sein après une grossesse ? Le professeur américain José Russo, du Fox Chase Cancer Center, s’est penché toute sa vie sur ce sujet. Il a découvert que les hormones de grossesse apportent des modifications aux gènes du tissu mammaire, de sorte que l’ADN se répare mieux. Les cellules deviennent ainsi moins susceptibles de dégénérer en cellules malignes.

Après cette découverte, il a voulu vérifier s’il était possible d’avoir cette protection naturelle en imitant une grossesse. Il a contacté pour cela le professeur Jaak Janssen, président de l’organisation European Cancer Prevention, et le professeur Herman Depypere, de l’UZ Gent. Ensemble, ils ont élaboré un protocole axé sur les femmes présentant une mutation du gène BRCA, et donc un risque accru de cancer du sein.

Pendant la première phase de l’étude, 40 participantes ont reçu une injection de hCG, l’hormone de la grossesse. Les chercheurs voulaient vérifier si ce traitement offrait la même protection génétique qu’une grossesse à un jeune âge. Les premiers résultats montrent que le protocole est sûr et fonctionnel, mais il doit encore être validé.

Mes enfants l'auront-ils aussi ?

Les couples dont l’un(e) est porteur(se) d’une mutation BRCA peuvent prendre des mesures pour éviter de la transmettre à leurs enfants. Dans le cadre d’une grossesse naturelle, ce risque est de 50 %. Cette décision vous appartient entièrement.

Grossesse naturelle

« Savoir que vous avez un fardeau héréditaire ne signifie pas nécessairement que vous devez opter pour d’autres recherches en génétique », explique le professeur Bruce Poppe. Beaucoup de couples optent finalement pour une grossesse naturelle. Heureusement, la médecine progresse rapidement. Il existe un réel espoir que les conséquences d’un tel défaut génétique soient différentes d’ici vingt à trente ans, grâce à l’amélioration constante des traitements.

Diagnostic pré-implantatoire (DPI) ou sélection s'embryons

On prélève quelques ovules pour une fécondation in vitro. « Vous allez prendre des hormones pendant dix jours pour générer plusieurs ovules », explique le professeur Willem Verpoest (chef de service au Centre de médecine reproductive de l’UZ Brussel). « Au cours d’une brève intervention, nous les prélevons. Les embryons apparaissent après la fécondation en laboratoire. Nous les examinons ensuite pour chercher une éventuelle mutation du gène BRCA, avant de les replacer dans l’utérus. En ne replaçant que les embryons sans mutation, on empêche les générations futures de développer elles-mêmes cette mutation. Les chances de grossesse sont pour cette procédure en moyenne de 35 %. »

DPN ou diagnostic prenatal

La méthode consiste à détecter très tôt les anomalies du fœtus chez la femme enceinte. La grossesse se fait naturellement, mais à partir de la onzième semaine, une amniocentèse peut se pratiquer par une biopsie du placenta, permettant de détecter une mutation familiale BRCA. Les résultats d’un tel test prennent deux semaines. Une fois la mutation constatée, il revient aux parents de décider d’interrompre ou non la grossesse. Étant donné qu’un avortement est ici envisagé pour une maladie qui ne se manifeste qu’à un âge plus avancé et qui peut être traitée, le choix est évidemment compliqué.

L'effect Angelina Jolie

Même les scientifiques les plus sérieux parlent aujourd’hui de « l’effet Angelina Jolie ». En mai 2013, l’actrice a révélé dans une chronique du New York Times sa prédisposition familiale au cancer du sein et des ovaires. Elle avait été identifiée comme porteuse d’une mutation du gène BRCA1 et courait un risque de cancer du sein de plus de 80 %. Elle a donc choisi l’ablation préventive de ses seins.
 

Peu de personnes savent que j’ai subi une ablation des deux seins. Je ne veux pas qu’on me regarde comme une femme incomplète. Je ne suis du reste pas entièrement convaincue d’avoir pris la bonne décision. J’avais 80 % de risque d’avoir un cancer, ce qui veut dire que j’avais 20 % de chance de ne pas en avoir.

Carine, 33 ans

Le message que l’actrice américaine a fait passer, a touché plus de femmes dans le monde qu’une quelconque autre campagne de sensibilisation. Le nombre de femmes qui ont alors consulté un centre génétique a augmenté de manière exponentielle. Rien qu’en Flandre, environ 40 % de femmes en plus ont demandé de se faire tester pour ces deux gènes du cancer du sein. « Le tabou est complètement tombé », ont déclaré les spécialistes. « Son témoignage a rendu la mutation génétique BRCA plus connue et plus acceptable. » Incontestablement, de nombreuses vies ont été sauvées, chez des femmes qui n’auraient peut-être jamais su qu’elles étaient à risque.

D’autres ont été rassurées quand une prédisposition familiale a été exclue. On ne dispose pas de chiffres concrets, mais selon des chirurgiens plastiques, on a constaté depuis la révélation d’Angelina Jolie une augmentation du nombre de femmes chez qui une ablation préventive des seins a été pratiquée. En 2015, Angelina Jolie a annoncé qu’on lui avait également fait une ablation préventive des ovaires. Le cancer des ovaires est souvent qualifié de «tueur silencieux » et est encore beaucoup plus difficile à soigner que le cancer du sein.

Faut-il automatiquement opter pour une ablation préventive si vous avez une mutation du gène BRCA ? Pas du tout, le choix est entièrement le vôtre. Vous avez deux options : vous êtes suivie minutieusement pour immédiatement identifier les premières manifestations d’un cancer ou vous choisissez une ablation préventive, éventuellement avec une reconstruction immédiate. Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix, juste un choix qui vous convient le mieux. C’est une décision importante. Si vous désirez en parler à un professionnel, sachez que l’onco-psychologue est là pour vous.