Vous n'avez jamais le cancer tout(e) seul(e)

Bon à savoir
  • Le cancer vous a touché(e), mais a des répercussions également sur votre partenaire et toutes les personnes qui vous sont proches. 
  • Sachez que votre partenaire peut à tout moment s’adresser à l’infirmière coordinatrice. 
  • Le cancer et son traitement peuvent avoir une influence sur votre vie sexuelle et intime. Il n’est pas toujours facile d’en parler, mais il est conseillé de le faire. 
  • Il est important que les deux partenaires sachent quels problèmes sexuels peuvent survenir, mais aussi ce qui est encore possible. 
  • La chimiothérapie, par exemple, ne s’attaque pas qu’aux seules cellules cancéreuses, mais aussi à vos cellules saines. Ses effets secondaires classiques sont la perte des cheveux, les vomissements et la fatigue. Autant de troubles qui réduisent l’envie de faire l’amour. La paroi vaginale devient également plus sèche, ce qui peut rendre les rapports plus douloureux. 
  • L’hormonothérapie et la radiothérapie peuvent également provoquer une sécheresse vaginale.

À propos de l'amour : quid de mon/ma partenaire ?

Vous n’avez jamais le cancer tout(e) seul(e). Votre monde est chamboulé, mais celui de votre partenaire et des personnes qui vous sont proches également. Eux aussi se battent contre l’insécurité, l’angoisse, l’impuissance, la colère et la déception. Les changements dans la distribution des tâches sont souvent inévitables. Votre partenaire doit prendre en charge beaucoup de nouvelles tâches – les visites chez le médecin, les personnes à recevoir – qu’il ou elle doit combiner avec ses activités quotidiennes comme son travail, les tâches ménagères et les enfants. Il est naturel que toute l’attention de la famille et des amis se concentre au début sur vous. Mais il est rare qu’on demande au partenaire comment il ou elle se sent. Et ce n’est pas juste, car il ou elle vit votre maladie de bout en bout.

Il est nécessaire de trouver ensemble un nouvel équilibre. Déposséder quelqu’un de sa part des responsabilités peut avoir un effet néfaste. Votre partenaire a peut-être tendance à vouloir tout régler lui-même ou elle-même parce que vous avez déjà assez de problèmes. En vous excluant par exemple des décisions concernant les enfants. Cela part certes d’une bonne intention, mais peut ainsi vous donner l’impression que votre avis ne compte plus. Il ou elle peut en même temps avoir l’idée qu’il/elle est seul(e) face aux problèmes.

Les émotions de la famille et des amis sont probablement différées par rapport aux vôtres. Chacun d’entre nous s’accommode à sa manière des situations difficiles. L’un les regarde droit dans les yeux, tandis que l’autre ne pense qu’à fuir. Cela peut vous faire du mal si votre partenaire évite tout ce qui a à voir avec votre maladie, alors que vous avez justement besoin d’en parler. Ou, à l’inverse, vous voulez vous ressaisir alors qu’il est encore au stade de l’acceptation. Ce décalage peut causer des incompréhensions mutuelles. Comme vous ne pouvez pas lire dans ses pensées, il est bon de faire régulièrement le point. Le cancer est un moment de crise pour une relation, un moment de grandes émotions, et les conflits peuvent éclater plus facilement.

« Pendant la phase de traitement, je vois des personnes confrontées à des points sensibles préexistants, mais avec lesquels ils ont appris à vivre », explique la psycho-oncologue Nathalie Cardinaels. 
« Imaginons que votre partenaire n’ait jamais su parler de ses émotions et tourne toujours tout à la dérision. Au fil des années, vous avez accepté cette manière d’être et d’agir sans que cela ne vous ait vraiment dérangé(e). Mais vous avez toujours pensé que ce serait différent si quelque chose de grave se passait. Aujourd’hui, dans la situation que vous vivez, votre partenaire réagit comme il/elle le fait toujours. Ce trait de caractère fait partie intégrante de sa personne et malgré les difficultés que vous rencontrez et la situation à laquelle vous devez faire face, vous devez accepter sa manière d’être. Il est important de bien comprendre que votre partenaire essaie d’être là pour vous, même si ce n’est pas de la manière que vous imaginiez ou espériez. Nous restons toutes et tous des êtres humains avec notre propre personnalité, et cela, même en temps de crise. »

Dans la plupart des cas, votre partenaire est votre plus grande source de soutien pratique et émotionnel, mais ce soutien peut aussi vous stresser si votre partenaire se veut trop protecteur, par exemple. Il y a aussi souvent, dans les couples, la peur de rendre la vie de l’autre plus difficile encore en parlant du cancer et de toutes les émotions qu’il entraîne. Les partenaires veulent s’épargner mutuellement en évitant les conversations à teneur émotionnelle, et se retranchent ainsi dans l’isolement. Le principe de réciprocité est un aspect important d’une relation. Communication bilatérale, soutien mutuel, appelez cela comme vous voulez. Cet aspect de la relation ne change pas avec la maladie. La communication est la clé de votre relation. Il est important que vous ne soyez pas seulement la personne malade, celle dont on doit s’occuper, mais que vous soyez également quelqu’un auprès de qui s’épancher.

Angélique Verzelen (psycho-oncologue et coordinatrice de l’institut Cédric Hèle) : « Il est important de prêter attention à ceux qui ont besoin d’être soutenus. Pas seulement le ou la malade, mais aussi son/sa partenaire. Dans une relation, les partenaires se soutiennent mutuellement et cette réciprocité doit absolument être sauvegardée pendant la maladie. On a beau dire que le dialogue est important, mais si votre partenaire n’est pas bavard(e), cela n’a pas de sens de l’obliger à exprimer ses émotions. En revanche, je trouve important que les membres de la famille soient régulièrement informés de ce qui préoccupe les autres et puissent se soutenir mutuellement. Sur ce point, le/la patient(e) comme sa famille doivent trouver un équilibre. Le personnel soignant peut y contribuer en détectant les besoins de chacun au bon moment pour que le/la patient(e) et son entourage ne restent pas isolés avec leurs incertitudes. C’est crucial à mes yeux, parce que votre solitude est souvent plus lourde à porter que la maladie. »

La personne qui partage votre vie peut parfois être trop exigeante vis-à-vis d’elle-même. Elle veut toujours être là pour vous, à votre disposition. Mais vous allez avoir besoin de soutien pendant une longue période et il est donc important que votre partenaire prenne du temps pour lui/elle-même, puisse recharger ses batteries en faisant du sport ou en sortant, par exemple. Se faire aider par plusieurs personnes (amis, famille, voisins, collègues) et alterner le soutien est une bonne solution. Vous trouverez aussi auprès de votre médecin ou du personnel soignant des adresses pour les aides à domicile.

Après un diagnostic de cancer, il n’est pas rare que le (la) partenaire rencontre des problèmes de santé. C’est ce que révèle une étude suédoise. Les conjoint(e)s des personnes atteintes d’un cancer de l’intestin et du poumon reçoivent trois fois plus d’aide psychologique que les groupes « normaux » dans les deux ans qui suivent le diagnostic de la maladie. Les scientifiques ont cherché à savoir si les partenaires des patient(e)s atteint(e)s de cancer de l’intestin, du poumon, du sein ou de la prostate avaient davantage recours à des soins de santé pendant la période où leurs partenaires sont tombés malades : c’était le cas dans tous les groupes. Les chercheurs plaident pour que les partenaires des patient(e)s atteint(e)s de cancer se voient offrir une aide standard.

Pendant tout le traitement, j’ai essayé d’être très fort, mais j’avais une peur bleue. Ma tête était pleine de questions. Et si ? Je repoussais cette angoisse en étant sans cesse actif. Ce n’est que lorsque nous avons su avec certitude qu’il n’y avait pas de métastases – il n’y a pas si longtemps que ça – que j’ai commencé à parler. C’était comme si je me débarrassais d’un énorme fardeau. » 

Antoine, 63 ans, mari de Linda (59 ans)

« Certains hôpitaux organisent des groupes de parole pour les couples », dit Angélique Verzelen. « Nos programmes d’encadrement psychologique des patient(e)s et d’onco-réhabilitation essaient toujours d’inclure leur partenaire. Nous voulons ainsi être à l’écoute du partenaire, devenu aidant proche. »

Les patient(e)s estiment nécessaire que le personnel soignant fournisse plus d’informations et de soutien à leur partenaire, notamment sur le plan émotionnel. C’est ce que démontre l’étude sur les besoins psychosociaux après un traitement du cancer du sein, menée par la LUCAS KU Leuven pour le compte de Think Pink.

Traverser ensemble le cancer n’est pas une mince affaire. Si votre relation n’allait déjà pas très bien, vous avez de fortes chances de vous éloigner encore davantage l’un de l’autre. Mais la maladie peut aussi être un catalyseur, une prise de conscience des liens qui vous unissent et qui se renforcent dans cette épreuve. Le contraire est possible aussi : une très bonne relation peut être détruite par la maladie, par exemple si votre partenaire ne peut pas en accepter les conséquences ou si vous l’excluez de ce que vous vivez. La plupart des couples indiquent heureusement que leur couple est encore plus solide qu’avant. L’épreuve peut en effet vous faire découvrir un potentiel inattendu chez votre partenaire, vous faire apprécier encore plus certaines qualités et vous aider à mieux relativiser.

Il est important de comprendre que les hommes et les femmes réagissent souvent différemment à une crise grave. Les hommes ont en général plus de mal à exprimer leurs sentiments et se jettent à corps perdu dans l’action. Ils cherchent le meilleur médecin, règlent les rendez-vous… Pour une femme, par contre, il est important de pouvoir pleurer et d’exprimer ce qu’elle ressent. Si elle a le sentiment qu’elle ne peut pas évacuer cette pression émotionnelle auprès de son mari, cela peut être très lourd à porter. Il est important de comprendre comment chaque partenaire réagit et quels sont ses besoins pour que chacun se sente écouté et compris.

Conseils pour les couples
  • Laissez-vous réciproquement l’espace nécessaire pour évoluer à votre manière.
  • Conservez le contact et faites des efforts pour comprendre l’autre. 
  • Parlez ouvertement de tout, surtout de vos attentes. 
  • Montrez du respect pour ce que l’autre vit. 
  • Ne jugez pas, car cela crée une distance entre vous. 
  • Essayez d’accepter vos propres émotions et réactions, tout comme celles de l’autre.
Sarah (40 ans)

Sarah est la maman de Xian (12 ans). Elle a reçu un diagnostic de cancer du sein en mars 2014. Après son traitement, elle a retrouvé l’amour auprès de Luc.

Une personne qui vous aime vraiment, vous accepte telle que vous êtes

Après la naissance prématurée de Xian, en 2009, j’ai traversé une période difficile. Il est né à 29 semaines. Il mesurait 31 cm et pesait 1,197 kg. Il est même tombé à 997 grammes. Chaque jour pendant des mois, j’ai fait l’aller-retour à l’hôpital. J’étais terrifiée. Une question me taraudait sans cesse : va-t-il s’en sortir ? Au bout de trois mois, j’ai enfin pu le ramener à la maison. Cinq mois plus tard, son papa et moi avons rompu. Il avait rencontré quelqu’un d’autre. En 2014, j’ai eu un deuxième gros choc à gérer. J’avais 32 ans. On m’a diagnostiqué un cancer du sein avec des métastases.

Un jour comme les autres

Après ma rupture, j’ai pris mon courage à deux mains et je nous ai bâti une nouvelle vie, à Xian et moi. Une nouvelle maison, mais aussi un nouveau travail dans les soins à domicile, pour pouvoir être présente pour lui. Un jour, j’ai dû accompagner une patiente à l’hôpital pour une visite de contrôle. J’avais déjà rendu visite à mon médecin généraliste pour une grosseur dans ma poitrine avec de l’eczéma tout autour. Il m’avait dit que c’était une glande enflammée et m’avait prescrit une pommade à base de cortisone, mais j’avais un mauvais pressentiment. Ce jourlà, j’ai fait part de mes préoccupations à l’infirmière coordinatrice. Elle m’a conseillé de ne pas négliger cela et m’a suggéré de prendre rendez-vous.

La même semaine, j’ai fait une échographie. On m’a ensuite fait une ponction, car les résultats ne semblaient pas bons. L’attente a été très angoissante. J’ai eu un rendez-vous chez le spécialiste pour discuter des résultats quelques jours plus tard. Je me suis retrouvée dans une salle d’attente, au milieu de femmes qui avaient déjà eu une chimio. Cette confrontation avec d’autres patientes m’a rendu les choses encore plus difficiles. Même si vous savez au fond de vous que vous allez entendre de mauvaises nouvelles, vous avez encore de l’espoir…

Le début des montagnes russes

Et puis la nouvelle est tombée : « Madame, les résultats ne sont pas bons. Nous avons trouvé une tumeur maligne dans votre sein gauche et des métastases dans votre aisselle gauche. » Une bombe… Puis le silence… Le monde tel que je le connaissais venait de s’effondrer, le temps s’était figé. Des pensées comme « Je vais mourir » et « Qui va s’occuper de mon fils ? » ont émergé. À ce moment-là, j’ai reçu beaucoup de soutien de l’infirmière coordinatrice.

Elle m’a expliqué ce qui allait se passer et a vraiment fait preuve d’empathie. Sa mère avait également eu un cancer du sein et elle savait ce que le diagnostic impliquait. Vous vous retrouvez embarquée dans des montagnes russes qui entraînent tous vos proches dans leur sillage. Vous ne pouvez pas résister. Le courant est trop fort. Vous devez suivre.

Le pire était encore à venir 

J’ai laissé tout cela décanter un peu, puis je me suis ressaisie. Je devais me battre pour moi-même, mais surtout pour mon fils. C’est ce que j’ai décidé de faire. Puis un soir, la police est venue sonner à ma porte. Le père de Xian s’était suicidé. Ce n’était vraiment pas juste. J’étais malade et je devais me battre pour vivre, pour rester auprès de mon fils. Lui avait une vie dont il ne voulait pas et à laquelle il avait volontairement mis fin. J’étais en colère, mais également très triste. Une nouvelle question se posait: qui allait s’occuper de mon fils quand je ne serais plus là ? Mes amis, ma famille et mes médecins m’ont conseillé de prendre des dispositions claires et précises à ce sujet. Cette période a été très difficile à vivre. Pensaient-ils donc que j’allais moi aussi mourir ?

Un chemin difficile vers la guérison 

Le traitement a été épouvantable. Pendant un an, je me suis rendue jour après jour à l’hôpital pour ma chimio. J’étais régulièrement malade à cause de mon système immunitaire affaibli, et il est arrivé que je doive être hospitalisée. La chimio s’est attaquée à tout, même à ce qui fonctionnait bien dans mon corps. Puis vinrent les amputations : celle, nécessaire, de mon sein gauche et celle, préventive, de mon sein droit, suivies d’un curage partiel de mes ganglions axillaires et d’une radiothérapie. Mon fils m’accompagnait souvent à l’hôpital, car nous étions en plein pendant les vacances d’été. Le personnel infirmier s’occupait très bien de lui. Ils ont abordé les choses de façon ludique et lui ont permis d’aider autant que possible. Quand la séance était terminée, il pouvait annoncer au micro que c’était fini.

Ma nouvelle vie dans un autre corps 

Des mois après le traitement, mes cheveux ont progressivement repoussé, et j’ai commencé à m’habituer à mon nouveau corps. Je ressortais de temps en temps avec des ami(e)s. C’est à cette époque que je suis retombée sur Luc. Nous nous étions déjà rencontrés par le passé, et j’avais toujours eu un petit faible pour lui. Il savait que j’avais vaincu le cancer. Il m’a invitée à venir fêter son anniversaire avec des amis. Mon cœur battait à nouveau la chamade. Je ressentais également une attirance sexuelle pour lui. Avant mon cancer, j’étais une femme en pleine forme et sexuellement active, mais pendant la chimio, tout cela avait disparu. J’ai donc été très surprise de voir réapparaître ces sensations.

En fin de soirée, Luc m’a invitée à venir prendre un dernier verre chez lui. Nous avons beaucoup parlé. Il se faisait tard. Il m’a proposé de rester, et le reste a suivi. Quand je me suis réveillée le lendemain matin, je me suis dit que c’était une aventure d’une nuit et que chacun allait reprendre le cours de sa vie. Il a préparé du café et nous avons pris le petit-déjeuner ensemble, puis il m’a demandé : « On se voit ce soir ? » J’étais stupéfaite ! Je ne m’attendais pas à ce que mes sentiments soient réciproques. Nous nous sommes revus tous les jours. J’ai repris espoir.

Le bonheur ne semblait pas être pour moi 

Luc et moi étions ensemble depuis un mois quand j’ai recommencé à avoir mal à l’aisselle gauche. J’ai pris rendez-vous. Le diagnostic n’était pas bon. Mon monde s’est à nouveau effondré. Ce n’était pas possible, il n’y avait même pas un an… Pourquoi moi ? Ce soir-là, j’ai vu Luc et je lui ai annoncé que je ne pouvais pas poursuivre notre relation. Je ne savais pas ce qui allait se passer, et je ne voulais pas lui imposer ça. Je voulais mettre fin à notre relation parce que nous n’aurions probablement pas d’avenir ensemble. Mais Luc ne l’entendait pas de cette oreille. Il m’a dit : « Je ne vais pas te laisser tomber. Je pourrais très bien tomber malade demain, et je sais que tu serais là pour moi. »

Il m’a accompagnée à tous mes rendez-vous médicaux et a affronté toute cette épreuve avec moi. Cette fois, j’ai reçu un autre traitement. J’ai eu une chimio toutes les trois semaines pendant deux ans. Je n’ai pas perdu mes cheveux, mais au bout de ces deux ans, mon corps n’en pouvait plus. Mon système immunitaire était si affaibli que les médecins ont décidé d’arrêter la chimio le temps que je reprenne des forces. Pendant tout ce temps, Luc a été là pour mon fils et pour moi.

Ma féminité 

Un an après le traitement, lorsque mon corps s’est rétabli, des difficultés psychologiques sont apparues. Je ne me sentais plus femme et j’ai opté pour une reconstruction. Les choses ne se sont malheureusement pas passées comme prévu. J’ai eu beaucoup de complications, dont des allergies et un rejet. Je ne voulais pas abandonner. Je voulais récupérer mes seins. Luc et moi nous sommes disputés à ce sujet. Il estimait que tout cela n’était pas nécessaire, mais pour moi, c’était important. Je voulais ces nouveaux seins. Il a continué à me soutenir et est venu me rendre visite tous les jours, malgré les deux heures de route. Au final, j’ai dû laisser tomber. Mon organisme continuait à rejeter ces « corps étrangers ».

Aujourd’hui encore, je pense à me faire poser un lambeau DIEP, mais les risques de complications sont très élevés et Luc n’abonde pas dans mon sens. Il ne veut plus que je me fasse opérer, parce qu’il m’aime comme je suis. « Je ne t’aime pas moins parce que tu n’as pas de seins », me répète-t-il sans relâche. Mais c’est pour moi que je souhaite le faire, et cette idée continue de hanter mon esprit. Je sais cependant que Luc a raison : « Nous devons nous résoudre au fait que cela ne soit pas possible. »

Un des plus beaux jours de ma vie 

Mon diagnostic m’a donné l’impression que mon monde s’effondrait. Je pensais ne plus jamais être heureuse. Six ans plus tard, Luc m’a offert l’un des plus beaux jours de ma vie. Nous nous sommes mariés le 24 août 2019, et je me suis sentie complètement femme dans ma robe de mariée. J’avais un décolleté et je me sentais bien, même sans seins.

Le mois prochain, j’aurai quarante ans. Je n’aurais jamais pensé y arriver, et suis tellement heureuse de pouvoir vivre cette nouvelle dizaine ! Mon fils vient de franchir la porte de l’école primaire pour la dernière fois. Quel moment d’émotion ! Notamment parce que j’ai dû dire au revoir aux autres mamans qui sont devenues des amies. Elles se sont montrées très solidaires toutes ces années, dans les bons comme dans les moins bons moments. Y compris quand j’étais seule et que je devais subir une chimiothérapie. Je leur ai offert à toutes une petite plante, avec un message : j’espère que vous arroserez cette petite plante tous les jours et que notre amitié ne se fanera ainsi jamais.

Dans l’intervalle, Luc a aussi officiellement adopté Xian, et tout va pour le mieux dans notre petite famille. Aujourd’hui, je vais bien. Même si j’ai encore des visites de contrôle tous les trois mois. Psychologiquement, j’ai toujours du mal à clore ce chapitre, à cause de la rechute et des métastases. Je prends peur ou je m’inquiète à la moindre chose. Mais les médecins sont très réactifs, et cela m’aide beaucoup.

Morale de l’histoire : ne baissez jamais les bras ! Un diagnostic n’est pas la fin du monde. Il peut même rendre votre monde plus beau. Je sais que Luc m’aime pour ce que je suis. Je n’avais jamais eu ce sentiment dans mes relations précédentes. Restez ouverte à ce qui se présente et faites en sorte de vous sentir bien. Une personne qui vous aime vraiment vous accepte telle que vous êtes.

Pour lire d’autres témoignages : think-pink.be/fr/Blog/.

Le sexe est bien la dernière chose à laquelle je pense en ce moment

Le diagnostic « cancer du sein » a un effet ravageur sur votre corps, sur votre vie, mais aussi sur vos émotions. Votre vie émotionnelle est désormais cadencée par le chagrin, la colère et la douleur. Le diagnostic aiguise aussi la prise de conscience de votre fragilité, de votre condition de mortel. Il y a toujours un risque que les choses tournent mal et chaque patient(e) est habité(e) par des pensées de mort. Mais votre partenaire aussi peut se battre contre cette angoisse. Et cela peut causer un grand désarroi au sein du couple.

Les conséquences psychiques les plus courantes du cancer sont la peur et l’abattement, la nervosité et l’insomnie. Votre relation peut également être affectée par ces différents sentiments.

La plupart des patient(e)s du cancer ont toutefois besoin d’intimité, de sentir un lien émotionnel avec les personnes qui comptent dans leur entourage. Et peut-être trouverez-vous une oasis de paix dans une relation intime, par exemple dans les câlins et les massages.

Les massages procurent un sentiment de bien-être et augmentent la qualité de vie. Ils apaisent la douleur, la peur et la dépression, la fatigue, la nausée…  autant de maux dont souffrent beaucoup de patient(e)s du cancer.

Le sexe n’est pas toujours un sujet facile à aborder, dans le couple comme dans le cadre des soins aux personnes. C’est un fait, le cancer cause une quantité de changements, passagers ou permanents, sur le plan sexuel. Votre libido peut être affectée. Votre fatigue peut être si grande que vous n’avez plus d’énergie et d’envie. On vous a enlevé un sein, vous avez des cicatrices. Les traitements peuvent causer une sécheresse vaginale et une perte de libido. Beaucoup de ces choses sont normales et sont aussi passagères. D’autres sont de nature permanente, mais là aussi, il y a souvent des solutions. N’hésitez pas à en parler à votre médecin s’il n’aborde pas lui-même la question. 

Sexualité et cancer du sein : une étude de la KU Leuven

Près de la moitié des patientes atteintes d’un cancer du sein soulignent le fait qu’elles rencontrent des problèmes sexuels après avoir été diagnostiquées. Cela peut se manifester par une douleur pendant les rapports sexuels, une diminution de la libido ou une image corporelle modifiée après une opération (voir ci-dessous). Souvent, tout un concours de circonstances explique ces difficultés en lien avec la sexualité et l’intimité. Les effets secondaires des différentes thérapies peuvent également aggraver les problèmes sexuels.

Selon une étude menée par LUCAS KU Leuven pour le compte de Think Pink, les patientes pensent que les professionnels de la santé devraient accorder plus d’attention à la sexualité. Bien que la plupart affirment que les relations sexuelles restent encore un moment agréable, une personne sur trois dit avoir des rapports sexuels « douloureux » ou « désagréables ». Les patientes souhaiteraient donc recevoir plus d’informations sur la sexualité et pointent le soutien à la sexualité comme un besoin prioritaire.

C’est pourquoi Nynke Willers (KU Leuven) a lancé l’étude « Sexualité et cancer du sein », financée par Think Pink. En consultation, elle entend souvent les patientes se plaindre des symptômes suivants : douleur lors des rapports sexuels due à la sécheresse vaginale, une baisse de la libido ou une image corporelle modifiée. Ses recherches visent à identifier les problèmes sexuels et le moment où ils commencent. Elle entend également étudier les changements de lubrification, d’élasticité et de flore du vagin afin de pouvoir prévenir ces problèmes. Elle voudrait en outre examiner des traitements possibles, qui soient sûrs sur le plan oncologique. Avec cette étude, Think Pink vise à lever le tabou sur les problèmes de sexualité et d’intimité liés au cancer du sein.

L'opération du sein qui change l'image de soi

La convalescence après une opération du sein peut prendre du temps et de l’énergie et va souvent de pair avec la douleur et d’autres petits inconvénients. Mais une opération du sein, surtout une amputation, est aussi synonyme de grand changement pour votre corps et, dès lors, pour l’image de vous-même (avec ses effets sur votre envie de faire l’amour).

Le principal objectif de l’opération du sein est de vous donner des chances de survie optimales. Cela signifie que vous devez trouver une manière de continuer à vivre avec un sein mutilé ou amputé. Il est essentiel de trouver un moyen de vous réconcilier avec votre corps, de l’accepter et de l’apprécier. Cela ne se fait évidemment pas du jour au lendemain puisqu’il faut faire le deuil de l’image de votre corps.

Les seins sont un élément important du jeu sexuel. Maintenant que vous avez perdu un sein, vous voyez votre poitrine différemment ou vous la sentez différemment. Le toucher est différent, votre peau est hypersensible ou au contraire insensible. Vous avez le sentiment d’avoir perdu une bonne partie de votre attractivité sexuelle. Ne luttez pas contre votre tristesse et donnez-vous le temps de l’accepter. Votre partenaire peut lui aussi avoir du mal à se comporter « normalement ». Ou craindre votre réaction. Peut-il toucher la zone de votre amputation ? Il est essentiel de pouvoir en parler ensemble.

D’autres paramètres à prendre en compte sont la perte des cheveux et d’éventuels problèmes de peau causés par la chimiothérapie. Face au miroir, vous voyez votre propre fragilité, votre corps mis à mal et c’est très douloureux. Beaucoup de témoignages attestent de l’importance de consulter une esthéticienne pour vous réconcilier avec votre corps. Soigner votre apparence peut certainement contribuer à reconstruire votre amour-propre et à façonner une nouvelle image de vous-même.

Beaucoup de patient(e)s du cancer sentent aussi pendant leur maladie que leur corps est devenu un objet de manipulation (par toutes sortes d’interventions et examens) et qu’il n’est plus regardé que sous un angle clinique. Beaucoup de patient(e)s ont du mal à accepter leur nouveau corps, à le toucher et à être touché(e)s. En redonnant confiance à votre corps, vous pouvez retrouver le besoin de l’intimité sexuelle.

L’équilibre post-cancer est un nouvel équilibre à trouver. L’image de soi post-cancer est une nouvelle image à accepter. Cela revient souvent à dire adieu à ce que vous connaissiez. En ce sens, le cancer est un deuil. Mais il peut aussi être un épanouissement. Beaucoup de personnes ont un plus grand appétit de vie après. Elles profitent davantage de tout (y compris de sexualité, de sensualité et d’intimité) et comprennent mieux l’art de se concentrer sur les choses importantes. Donnez-vous du temps, ainsi que la possibilité de pouvoir tout faire à votre propre rythme. 

Moins d'envie depuis la chimiothérapie et la radiothérapie

La plupart des femmes ont moins d’appétit sexuel pendant leur traitement, principalement en raison des tensions, de la fatigue et de la maladie. Le traitement du cancer va aussi souvent de pair avec un état dépressif et il est possible dans ce cas qu’on vous prescrive des antidépresseurs, qui peuvent également avoir des effets sur votre libido.

Mais les traitements ont aussi des effets secondaires. La chimiothérapie attaque vos cellules saines et ses effets secondaires classiques sont la perte des cheveux, les vomissements et la fatigue. Autant de troubles qui réduisent l’envie de faire l’amour. Les femmes qui subissent une chimiothérapie se plaignent souvent d’infections vaginales, surtout si elles prennent aussi des antibiotiques ou des corticostéroïdes. La paroi du vagin devient plus mince et plus sèche, et les relations sexuelles peuvent être douloureuses.

L’hormonothérapie ou la chimiothérapie peut précipiter la ménopause. Avec bien d’autres effets que les fameuses bouffées de chaleur. Votre envie de faire l’amour change, les stimuli ne fonctionnent plus, ou moins vite, tout simplement parce que vous ne produisez plus d’hormones. Un autre problème est la sécheresse vaginale, qui peut rendre les rapports sexuels douloureux ou même causer des saignements.

Votre fatigue peut aussi augmenter sous l’effet de la radiothérapie. Vous pouvez être dégoûtée des baisers parce que votre bouche est sèche et votre haleine moins fraîche. La muqueuse de votre vagin peut également être affectée, se dessécher ou devenir plus sensible.

Après le traitement

L’appétit sexuel reviendra peut-être avec votre guérison physique et psychique. La fatigue joue généralement un rôle important. Plus vous soignez votre condition physique et faites des progrès, moins vous serez fatigué(e). Si votre envie de faire l’amour ne revient pas « comme ça », il faut peut-être envisager d’avoir des rapports sexuels dans une autre optique, celle de voir si « tout fonctionne encore », dans un souci de revenir à la normale ou de veiller au bon équilibre de votre couple.

La façon dont il a réagi m’a rassurée. J’ai posé moi-même sa main sur ma cicatrice et le soulagement a été si grand pour nous deux que nous nous sommes mis à pleurer. C’était un si beau moment que j’en ai encore la chair de poule quand j’y pense. Nous reparlons souvent de ce premier moment d’intimité. Mon corps n’est plus lisse et le fait que mon partenaire ait une attitude si normale est pour moi un grand signe d’amour. »

Bernadette, 65 ans, a rencontré un homme quelques années après son amputation

« N’abandonnez pas immédiatement si votre libido ne revient pas », recommande Nathalie Cardinaels. 
« C’est tout à fait normal. Vous pouvez apprendre à créer de l’envie. Cela fait de la sexualité un processus moins spontané qu’avant, mais cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas en profiter. Il faut de l’énergie pour explorer à nouveau activement votre corps, afin de voir quelles zones sont érogènes après le traitement. Voyez cela comme si vous étiez au temps des premiers rendez-vous : apprenez à vous connaître l’un l’autre – mais aussi à vous connaître vous-même et votre corps – et à redécouvrir ce que vous et l’autre aimez à partir de votre corps tel qu’il est maintenant. Ce qui excite ou attire peut changer avec le traitement. »

Il n’est certes pas évident de reprendre le fil de votre vie sexuelle après une opération du sein. Vous avez peut-être des difficultés à accepter que votre corps change et vous vous demandez si votre partenaire vous trouve encore attirante. Mais votre partenaire ne sait pas non plus toujours comment se comporter. Peut-il toucher vos cicatrices ? L’une aura envie de les découvrir avec son partenaire, tandis que l’autre préférera le faire seule la première fois et ne montrera ses cicatrices qu’une fois qu’elle les aura elle-même acceptées. Il n’y a pas de «bonne» manière de procéder ; chacune a sa méthode. L’important, c’est que vous preniez votre temps.

Il est très important de partager vos angoisses, vos doutes et vos sensations, sans quoi de nombreux non-dits peuvent s’installer. Vous pouvez par exemple être distante parce que vous avez honte ou pour ne pas mettre votre partenaire sous pression. Ce sont des comportements qui peuvent être interprétés à tort comme un rejet du sexe. Il devient alors encore plus difficile de combler la distance qui se crée entre vous. La règle d’or est donc la communication.

J’ai eu du mal au début à avoir une relation intime avec un homme, autre que mon ex-mari avec qui j’avais vécu quinze ans. Et je n’avais guère envie d’exhiber mes cicatrices. Les premières fois, je mettais mon pyjama et je ne laissais rien voir. Je ne pouvais pas faire autrement. Mais mon ami n’a eu aucune difficulté à m’accepter comme j’étais. Il caressait tout mon corps, sans éviter les cicatrices ou mon nouveau sein. J’étais heureuse. Je me sentais à nouveau totalement femme.

Anne, 39 ans

Il peut s’écouler plusieurs mois avant que vous ne retrouviez votre appétit sexuel. Un petit coup de pouce ne peut pas faire de mal. Comme un bon petit repas en tête-à-tête, ou un verre de vin. Ne soyez pas déçue si vous essuyez un échec la première fois, faites preuve de patience. Vous pouvez parfaitement cacher votre cicatrice sous un vêtement si vous vous sentez plus à l’aise comme ça.

Vivre avec une ablation du sein signifie que vous devez réapprendre à apprécier et à accepter votre corps, y compris à deux. Vous pouvez le faire seule en osant regarder votre cicatrice et la toucher, ou avec votre partenaire. Le premier pas sera franchi à l’hôpital, où on vous encouragera à l’examiner avec votre partenaire avant votre sortie. Une prothèse ou une reconstruction mammaire peut aussi vous donner plus de confiance en vous.

C’est sans doute aussi une bonne idée d’explorer seule votre potentiel sexuel. Touchez votre corps, regardez-le dans un miroir. Redécouvrez-le. Une fois que vous avez accepté la nouvelle image de votre corps, partagez-la avec votre partenaire. Dites-lui ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas. Procédez par étapes. Redécouvrez ensemble la sexualité, et vous remarquerez qu’il est encore possible d’y trouver du plaisir. Mais ce n’est pas simple : reprendre votre vie sexuelle après le cancer peut être un parcours d’obstacles, alors que c’est justement un domaine où tout va naturellement de soi.

Si les difficultés vous paraissent insurmontables, vous pouvez toujours faire appel à un(e) thérapeute. Le pas n’est certes pas facile à franchir pour certaines, mais les Cliniques du Sein emploient des psycho-oncologues et même des sexologues.

Conseils pour se redécouvrir sexuellement

  • Ne mettez pas votre partenaire sous pression, vous atteindriez l’effet inverse. 
  • Parlez ensemble de ce dont vous avez envie dans l’intimité. Votre partenaire peut-il ou non toucher votre sein amputé, par exemple ? 
  • Les rapports sexuels ne doivent pas toujours être spontanés: planifiez vos moments d’intimité en fonction de votre fatigue. 
  • Planifier signifie aussi prendre le temps de découvrir un nouveau «mode» de rapports sexuels et de redécouvrir le corps de l’autre. S’embrasser, s’étreindre, se masser, se masturber. Le sexe est bien davantage que des rapports sexuels. 
  • Utilisez votre sens de l’humour, gardez un ton léger, mais veillez à ne pas blesser avec des blagues inappropriées ou un timing maladroit. 
  • Ce n’est pas parce que vous ne faites plus l’amour pendant quelque temps que vous ne vous aimez plus. 
  • Faire l’amour peut être fatigant. Choisissez une position que vous pouvez tenir ou qui écourte les rapports.
  • Si vous souffrez d’un lymphœdème ou d’une cicatrice douloureuse, n’hésitez pas à prendre des antidouleurs, à chercher une autre position ou à prendre un bain chaud avant de faire l’amour. 
  • Utilisez un lubrifiant à base aqueuse juste avant la pénétration. Vous pouvez l’utiliser avec un préservatif et ne pas ressentir de gêne. Vous pouvez aussi utiliser de l’huile de coco, mais cela tache les draps. 
  • Vous trouverez aussi en pharmacie des humidificateurs vaginaux à appliquer trois fois par semaine pour une humidification durable.

Je suis aussi maman/papa

Si vous êtes parent, il n’est pas toujours évident de parler de votre cancer avec vos enfants. Il est pourtant essentiel d’impliquer les enfants, car ils sentent de toute façon qu’il se passe quelque chose. Partagez votre parcours avec eux en vous mettant à leur niveau. Une assistante médico-sociale peut vous aider à trouver les mots qu’il faut. Vous pouvez chercher avec elle les manières d’informer graduellement vos enfants tout en les rassurant. Il y a d’ailleurs à l’hôpital toutes sortes d’ouvrages et d’outils pour informer les enfants de manière simple en fonction de leur âge.

Le dire ou pas ?

Comment dire à un enfant que sa maman ou que son papa est très malade et va peut-être mourir ? Votre instinct de parent est de protéger vos enfants contre le choc et le chagrin. Votre premier réflexe peut donc être de leur cacher votre maladie. Mais l’expérience montre que parler est la meilleure des solutions, même si cela peut être émotionnellement dur sur le moment. Les enfants sentent alors qu’ils sont pris au sérieux et qu’on les écoute. Ils conservent ainsi leur sentiment de sécurité, ce qui est particulièrement important à ce moment-là. C’est la base de confiance dont votre famille a besoin. 

Les enfants sentent que les membres de la famille partagent leurs joies, mais aussi leurs peines, leurs peurs et leurs préoccupations. En leur cachant votre maladie, vous courez le risque qu’ils soient blessés le jour où ils l’apprendront éventuellement par quelqu’un d’autre. Soyez sincère et honnête avec vos enfants. En les tenant à l’écart et en leur donnant le minimum d’informations, vous ne faites que les fragiliser et les effrayer davantage.

C’est une bonne chose de faire le premier pas à l’égard de vos enfants. Il est important de leur expliquer les choses progressivement et de répondre sereinement à leurs questions. Il est aussi essentiel qu’ils puissent exprimer ce qu’ils ressentent. Une étude a montré que les enfants qui connaissaient la gravité de la maladie et les conséquences des traitements avaient moins d’angoisse et de problèmes à long terme.

Le livret « Comment parler avec l’enfant du cancer d’un parent » réalisé par Aurore Liénard et Stéphanie Konings de l’équipe de Bordet’n Family peut vous aider. Il peut être consulté ou téléchargé sur la page psycho-oncologie.be/activite/un-soutien-a-la-parentalite/. De nombreux livres spécialement dédiés aux enfants peuvent être une aide précieuse pour leur expliquer votre situation.

Que dire ?
Expliquez la situation, ce qu’est un cancer, pourquoi il faut intervenir, quelles peuvent être les conséquences et ce qui va se passer dans les jours et semaines à venir. Utilisez éventuellement un livre d’anatomie (pour enfants) pour mieux leur expliquer.

Impliquer vos enfants dans votre maladie ne veut pas dire tout leur révéler dans les moindres détails. Essayez d’être aussi clair(e) que possible, mais ne donnez pas trop d’informations à la fois et n’anticipez pas. Tenez compte de l’âge et de la capacité de compréhension de vos enfants. Donnez-leur aussi l’occasion de poser des questions.

Dites bien à votre enfant que votre maladie n’a rien avoir avec lui ou elle. Beaucoup d’enfants souffrent en effet de culpabilité et pensent qu’ils ont une responsabilité dans la maladie de leur maman. Votre enfant peut aussi avoir une réaction de rejet. C’est normal. Essayez alors de lui parler à un autre moment.

Comment le dire ? 
Choisissez le bon moment, en toute sérénité. L’idéal est que les deux parents informent ensemble les enfants. Vous voyez alors comment ils réagissent et pouvez adapter votre attitude. De leur côté, vos enfants sont sensibles à la manière dont réagissent leurs parents face à la maladie. Informez aussi de préférence tous les enfants en même temps. Chaque membre de la famille peut réagir immédiatement et dire ce qu’il ressent. Détecter les questionnements et écouter les réactions de chacun crée un lien et peut rendre la situation moins délicate. Si vous n’êtes plus ensemble et si votre relation le permet, mettez-vous d’accord sur la façon d’aborder les choses. Sinon, faites-le comme cela vous semble juste.

Il n’y a aucun mal à pleurer en présence de vos enfants. Cela leur montre qu’eux aussi peuvent exprimer leurs émotions. Il est toutefois important de leur dire pourquoi vous pleurez. Pourquoi vous êtes triste ou nerveux(se) à l’idée de votre visite à l’hôpital du lendemain. Si vous montrez vos émotions, vous donnez implicitement à vos enfants le message qu’ils peuvent eux-mêmes exprimer ouvertement ce qu’ils ressentent.

Les enfants plus âgés ont tendance à aller chercher des informations sur Internet et y trouvent naturellement toutes sortes d’informations sur le cancer. Mais peuvent-ils faire la distinction entre les bonnes et mauvaises informations ? Demandez-leur de vous parler de ce qu’ils ont trouvé.

L’importance de la prédictibilité 
La première période de votre maladie sera chaotique. Essayez de trouver aussi vite que possible un rythme quotidien. Heures fixes des repas, coucher en temps voulu. Tentez autant que possible de garder vos habitudes d’avant comme leur raconter une histoire avant de dormir ou revoir leurs devoirs avec eux. N’enfermez pas votre enfant à la maison, ne le retirez pas des mouvements de jeunesse par exemple. « Il est important de préserver la sécurité et la prédictibilité, car cela permet de reprendre le contrôle de sa vie », affirme la psycho-oncologue Angélique Verzelen.

Vous remarquerez probablement assez vite qu’en dépit de leur chagrin, vos enfants mènent leur propre vie. Vous ne serez pas le premier parent à vous étonner de voir dans ces circonstances vos enfants se plaindre de choses aussi triviales que leurs vêtements, de l’heure à laquelle ils doivent rentrer ou des vêtements de sport que vous n’avez pas lavés. Comme s’il n’y avait rien de plus grave. Songez que le chagrin est une émotion lourde à porter. Les enfants, quels que soient leurs âges, ne peuvent pas être constamment préoccupés par leur chagrin. Pour rester debout en tant qu’enfant, il est simplement salutaire de penser à d’autres sujets et de faire d’autres choses.

J’ai toujours informé mes enfants de tout. Je les ai juste retirés de l’école quelques jours entre les deux opérations. On a parlé de tout, on s’est pris dans les bras, on a pleuré ensemble. Après la chimiothérapie, je suis allée choisir un foulard avec ma fille. Je crois fermement à la franchise. »

Lise, 38 ans

Tu vas mourir, maman/ papa ?
Il est important de ne pas éluder cette question. Vous pouvez dire à vos enfants que les patient(e)s du cancer ne meurent pas tou(te)s et que beaucoup guérissent. Mais soyez honnête et dites que l’issue est incertaine, qu’il n’y a pas de garantie que l’histoire se termine bien. Mettez l’accent plutôt sur le fait qu’il y a de bonnes thérapies, que le médecin a de bons médicaments et qu’ils feront tout pour vous guérir. Dites-leur que vous serez toujours honnête sur ce qui se passe. Garantissez-leur qu’il y aura toujours quelqu’un qui s’occupera d’eux, quoi qu’il se passe: leur papa/maman, leur marraine, leurs grands-parents… 

Si à un certain moment le cancer s’avère incurable, il y a des brochures et livres spécialisés qui vous aideront à en parler avec vos enfants. Faites-vous assister par votre personne de confiance à l’hôpital (l’infirmière spécialisée, le ou la psycho-oncologue). « Même si vous avez appris que vous êtes en phase terminale, il est important de le dire à vos enfants et de leur donner l’occasion de le vivre ensemble », dit la psycho-oncologue Angélique Verzelen. « Nous savons que le fait de ne pas passer ce message peut entraver le processus de deuil. »

Fini ? Oui, mais pas tout à fait

Même si vous guérissez, cette période laissera des traces. Pour vous comme parent, mais aussi pour vos enfants. Les enfants vont souvent repenser à ce qui est arrivé à la famille. Ils peuvent même des années plus tard évoquer (en détail) ce qu’ils ont vécu. Il est important de veiller à ce que vos enfants ne se replient pas sur eux-mêmes. Le cancer ébranle aussi leurs convictions sur l’évidence de la vie. L’insouciance qu’ils manifestaient peut disparaître pour un temps.

« Des études sur les enfants dont un parent a un cancer montrent qu’un quart d’entre eux développent des troubles émotionnels », dit la psycho-oncologue Angélique Verzelen. « Les adolescents sont particulièrement fragiles. Ils commencent tout juste à ouvrir leurs ailes et à prendre leurs distances avec la famille. Mais comment être en conflit avec un adulte malade sans ressentir une grande confusion ? On constate aussi que les filles surtout prennent trop sur elles. »

Une étude néerlandaise portant sur près de 300 familles dont un des parents avait un cancer a montré qu’entre 16 et 29 % des enfants montraient de graves troubles émotionnels juste après le diagnostic, mais aussi des années plus tard. Le nombre de problèmes pouvait même augmenter avec le temps. Une explication serait que les enfants mettent de côté leurs propres besoins et soucis la première année suivant le diagnostic pour ne pas rendre les choses plus difficiles pour leurs parents. Ces problèmes peuvent toutefois ressurgir ultérieurement. Les enfants d’un parent diagnostiqué n’ont pas tous des problèmes. Il semble que les adolescentes (11-18 ans) et les garçons en primaire (4-11 ans) constituent un groupe particulièrement vulnérable: ils peuvent souffrir d’un trouble du stress post-traumatique (TSPT) jusqu’à cinq ans après le diagnostic de cancer d’un de leurs parents.

Le cancer peut être une expérience douloureuse pour votre enfant, mais peut aussi avoir des effets positifs sur son développement, que vous ne remarquerez peut-être que plus tard. Vos enfants sont peut-être devenus plus sensibles aux soucis des autres et la fratrie est plus soudée. Peut-être la famille toute entière a-t-elle appris qu’il est important de passer du temps ensemble. Cela peut être source d’inspiration, d’énergie et de courage pour l’avenir.

Des recherches menées par l’Université de Gand révèlent que de nombreux jeunes ont indiqué être devenus plus forts et plus autonomes. Les entrevues menées dans le cadre de cette étude ont montré que les jeunes adultes accordent une importance toute particulière à l’ouverture, à l’honnêteté et à la transparence. Ils auraient aimé pouvoir en parler plus, tant avec les membres de la famille qu’avec leur réseau social en général. Certains répondants ont également précisé avoir caché leurs questionnements et leurs préoccupations à leur entourage lorsqu’ils étaient enfants. Une communication ouverte au sein de la famille et avec les autres parties prenantes, notamment sur la maladie et son évolution, est donc très importante. Veillez bien sûr toujours à ce que celle-ci soit adaptée au niveau de votre enfant.

Qu'en est-il de mon entourage ?

Informer vos ami(e)s et votre famille du diagnostic est un obstacle difficile à franchir pour de nombreux(ses) patient(e)s atteint(e)s de cancer. Comment le dire ? À qui ? Quand ? Certaines personnes préfèrent n’en parler qu’à un cercle très restreint, d’autres veulent associer leur entourage à tout le processus dès le début et, par exemple, envoient régulièrement des e-mails avec les dernières nouvelles. Réfléchissez bien à ce qui vous convient et discutez avec votre partenaire ou votre famille de la façon d’aborder les choses. Tout le monde sera ainsi sur la même longueur d’onde.

Le cancer ne chamboule pas uniquement la vie des personnes malades. L’impact est souvent également très important pour les proches. Beaucoup de questions viennent à l’esprit de l’entourage : que faire, qu’est-ce qui l’attend/ nous attend, vais-je le/la perdre ? Il n’est pas toujours facile pour vos proches de savoir ce qu’ils peuvent faire pour vous aider. Eux aussi ont du chagrin et des craintes, méritent d’être compris, reconnus et informés.

Certaines personnes décident par exemple de créer un groupe WhatsApp ou une page fermée Facebook afin de tenir au courant leur entourage proche des rendez-vous, des traitements, de l’évolution de la maladie. Cela peut être une solution pour éviter de répéter les mêmes informations encore et encore. Vous pouvez ainsi décider du moment où vous donnez des nouvelles et indiquer lorsque vous êtes prêt(e) à recevoir des appels ou de la visite.

Mes parents

« Dire à vos enfants que vous êtes malade est très difficile, mais il en va de même pour vos parents », explique Lienke Vandezande (infirmière coordinatrice à l’AZ Sint-Maarten). « Peut-être voulez-vous aussi leur épargner des soucis ou craignez-vous que la mauvaise nouvelle soit trop lourde à porter. Votre diagnostic de cancer du sein est également un coup dur pour vos parents. Peu importe votre âge, vous restez l’enfant qu’ils veulent protéger. Ils veulent continuer à prendre soin de vous, alors que vous avez votre propre famille et votre propre vie. En outre, ils voient comment votre maladie affecte vos enfants et souhaitent également les aider. »

Pour eux, il s’agit d’une situation difficile et d’une recherche émotionnelle du juste équilibre entre vous aider et vous donner, ainsi qu’à votre famille, de l’espace. Donnez-leur la possibilité d’aider à prendre soin de vous et d’être là pour vous.

Le/la partenaire de la personne malade a souvent beaucoup à faire et à organiser. Faire appel à la famille et aux ami(e)s, leur permettre d’aider, peut faire une grande différence. Voyez ensemble ce avec quoi vous êtes à l’aise, pour quoi vous auriez bien besoin d’aide et qui vous souhaitez impliquer. Il est important de faire savoir à votre entourage que vous apprécieriez d’avoir de l’aide, mais que ce n’est pas une obligation. En faisant appel à une aide extérieure, votre partenaire peut retrouver un peu de temps pour lui/elle, pour recharger ses batteries. En outre, cela permet à votre entourage de se sentir utile.

Comment mon entourage va-t-il réagir ?

Certaines personnes répondent « mieux » que d’autres à l’annonce d’un diagnostic de cancer. Certains ne savent pas quoi dire ou nourrissent eux-mêmes des craintes dont ils ne veulent pas vous accabler face au cancer. Il arrive même que des personnes prennent leurs distances pour cette raison. C’est douloureux, bien sûr, mais essayez de vous rappeler que cela n’a rien à voir avec vous.

Il peut également être important d’exprimer ses attentes. Parfois, les ami(e)s n’appellent pas parce qu’ils pensent qu’ils vont vous déranger ou que vous allez « être fatigué(e) » ou que vous « les contacterez si vous avez besoin de quelque chose ». Sauf que vous n’avez pas l’énergie d’appeler, que vous ne voulez pas être celui ou celle qui appelle toujours pour « se plaindre » ou que vous n’osez pas demander de l’aide. Autant de présupposés qui provoquent beaucoup de malentendus et de meurtrissures. Ici aussi : exprimez toutes et tous vos attentes à haute voix. Osez parler même si cela est difficile.

L’étude relative aux besoins psychosociaux des femmes après leur traitement, menée par la LUCAS KU Leuven pour le compte de Think Pink, montre que la plupart des patientes indiquent bénéficier d’un soutien social suffisant. Bien que certaines femmes aient également indiqué avoir besoin de plus de soutien de la part de leur famille, de leurs amis ou de leur partenaire.

Le groupe d’experts qui a examiné les résultats estime toutefois que leurs patientes reçoivent moins de soutien social que ne le montre cette étude. De plus, ce soutien diminuerait après le traitement. Or, contrairement aux résultats, les patientes estimeraient en avoir grand besoin.

Certaines femmes se sentent incomprises après leur traitement, par exemple lorsque quelqu’un leur fait remarquer qu’elles « ont l’air bien », alors que cela ne correspond pas à leur ressenti. Selon une participante, cela pourrait être dû au fait que les médias ne montrent que les choses très visibles telles que les amputations, les irradiations et la chimiothérapie. La conclusion ici est que les prestataires de soins et les campagnes doivent davantage se concentrer sur la communication avec les proches du/de la patient(e) et souligner l’importance de leur soutien, même après le traitement.

Pour celles et ceux qui éprouvent des difficultés à entamer une conversation avec une personne atteinte d’un cancer, certains conseils peuvent les aider. Pour de plus amples informations à ce sujet, consultez le site cancer.be/aide-aux-patients/que-dire.

Et si mon cancer est incurable ?

Parler de la maladie n’est pas facile, mais parler d’une maladie incurable est bien souvent encore plus difficile. Et pourtant, il est important de le faire. Le diagnostic d’une maladie incurable soulève beaucoup de questions et d’émotions. Vous pouvez vous sentir submergé(e) par des sentiments de tristesse, de peur, d’impuissance, de solitude, de chagrin… mais aussi par des sentiments de gratitude et de fraternité. Vous ne pouvez pas éviter tous ces sentiments. Ils font partie du processus d’assimilation de l’annonce. Parler peut vous aider à traverser l’ensemble de ces émotions. Avec votre partenaire, avec l’infirmière coordinatrice, mais aussi avec votre famille et vos amis.

Votre première réaction instinctive pourrait être d’essayer de les préserver, de ne pas leur causer plus de chagrin. Et du chagrin, ils en auront certainement pendant un certain temps. Tout le monde autour de vous sera touché par l’annonce que vous ne guérirez pas. Cela peut transformer les relations : certaines deviennent plus intenses, tandis que d’autres personnes s’éloigneront. Ce que vous traversez vous change aussi. Il peut arriver que votre entourage vous comprenne moins bien ou que vous ne compreniez pas leur réaction.

Essayez de continuer à communiquer : parlez de votre maladie, de ce que vous ressentez, de vos souhaits et attentes, de vos soins à venir et de votre fin de vie. Cela peut aussi donner un sens à la vie qui est encore devant vous. Vous pouvez encore dire des choses importantes, partager de l’amour et du lien, exprimer tout ce qui doit encore l’être ou rectifier certaines choses. Cela apporte la paix. Pour vous en tant que malade, mais aussi pour votre entourage. En effet, plus les adieux se font dans de bonnes conditions, plus le processus de deuil sera supportable pour celles et ceux qui restent.

Sentez ce dont vous avez besoin et faites-le savoir aux personnes qui vous entourent. Si vous pouvez exprimer le soutien dont vous avez besoin, de nombreux parents et amis ne seront que trop heureux de pouvoir vous l’apporter.

La sœur cadette de Marie-Pierre (48 ans), Hélène (33 ans)

Hélène a reçu un diagnostic de cancer du sein en 2020. Cette annonce a aussi chamboulé la vie de Marie-Pierre et de sa famille.

Pas le temps de pleurer ni de s’inquiéter

Février 2020… Un coup de fil soudain de ma sœur, de quinze ans ma cadette, m’effraie. « Je dois aller faire examiner mon sein, mais tout ira bien. Le docteur m’a dit que c’était probablement une glande. » J’ai immédiatement été envahie par un mauvais pressentiment, mais je ne pouvais le dire ni à ma sœur, ni à ma famille, ni à mes parents.

La semaine se passe dans l’anxiété jusqu’à cette soirée fatidique… Ma prémonition s’avère exacte. Une tumeur maligne dans le sein de ma petite sœur. Pendant toutes ces années, j’ai essayé de protéger ma petite sœur. C’est ma responsabilité de grande sœur. Après tout, nous ne sommes que deux.

Et là, c’est comme si j’avais échoué. Pourquoi cet horrible monstre s’en prend-il à ma sœur de 32 ans ? Pourquoi n’ai-je pas su la protéger ? Des signaux m’ont-ils échappé ? Des sentiments diffus m’envahissent : tristesse, incrédulité, peur et colère.

Sur pilote automatique 

Le jour se lève après une nuit agitée. Je dois aller de l’avant. À partir de maintenant, je fonctionne sur pilote automatique. Je pars pour l’école où vingt enfants d’âge préscolaire m’attendent avec enthousiasme. J’essaie de faire de mon mieux pour qu’ils ne voient pas que leur institutrice n’est pas aussi joyeuse que d’habitude. Dans la journée, je rends visite à la classe de ma sœur.

Elle a courageusement voulu annoncer elle-même la nouvelle à ses élèves. Je lui ai proposé d’être à ses côtés lorsqu’elle s’adresserait à eux. C’est un moment déchirant: annoncer à des garçons et à des filles de 12 ans que leur institutrice est gravement malade. J’essaie de réconforter les élèves tristes, de répondre aux questions difficiles le plus honnêtement possible, puis je retourne à mes petits débordant de joie.

Annoncer la dure nouvelle

Quand je rentre à la maison ce soir-là, je suis confrontée à une autre tâche très difficile : annoncer la dure nouvelle à mes trois enfants. Les réconforter, leur faire des câlins, leur parler et les écouter. C’est tout ce que je peux faire. Vous n’avez pas beaucoup d’espace ni de temps pour réfléchir à la façon dont vous allez tout gérer. Et d’ailleurs, il n’y a pas le choix. Dorénavant, c’est le monde médical qui dictera votre vie. Heureusement, mon pilote automatique est là.

La nouvelle commence peu à peu à se répandre. Mon téléphone est inondé de messages. Tout le monde veut connaître les moindres détails de cet immense désastre. C’est l’impression que j’ai quand j’entends toutes ces personnes attirées par l’envie de savoir. Le temps passe et beaucoup de gens disparaissent des radars. Seuls les vrais amis restent et, croyez-moi, ils sont très peu nombreux. Des amis qui écoutent mon histoire sans y mêler la leur. Des amis qui me réconfortent, me remontent le moral, me comprennent… Des amis qui sont encore là un an après.

Et puis il y a mes chers parents, dont je dois m’occuper. S’entendre annoncer que votre enfant a un cancer. Que peut-il y avoir de pire pour une maman ou un papa ? Papa se réfugie dans son jardin et dans son potager. Maman est une femme brisée qui ne peut retenir ses larmes. Encore une fois, je dois réconforter, câliner, parler et écouter.

Bien vu, encore une fois 

Nous sommes à la veille des vacances de printemps. La petite Juliette vient passer quelques jours chez nous, parce que sa maman doit aller à l’hôpital pour faire enlever la « méchante boule » qu’elle a dans la poitrine. Après l’opération, nous attendons les résultats. Passera-t-elle par la case chimio ? Mon intuition me souffle que oui. Encore une fois, elle a raison. Ça fait presque peur.

Ma sœur et moi sommes chez l’oncologue. Sa préoccupation première est de savoir si elle va perdre ses cheveux. Les larmes coulent sur ses joues, et elle semble complètement déconnectée, loin de la dure réalité. Je dois donc écouter très attentivement toutes les explications médicales afin de pouvoir ensuite les répéter à ma sœur, à son compagnon, à nos parents et à ma famille. Il n’y a pas le temps de pleurer et de s’inquiéter. Il faut continuer. Nous n’avons pas d’autre alternative.

Un cancer du sein en pleine période covid 

Et puis arrive ce satané coronavirus. Plus de câlins, car nous devons redoubler de prudence pour ma petite sœur. Je n’ai pas le droit de l’accompagner quand la chimiothérapie commence. On l’emmène à l’hôpital, avec la petite Juliette. Nous pouvons seulement lui faire signe. Quelle horreur ! Les jours après la chimio, j’essaie de m’occuper d’elle du mieux que je peux.

Je n’ai jamais l’impression que tout cela va être trop lourd pour moi. Grâce à l’immense gratitude que je reçois de ma sœur et de la famille. Nous construisons un mur autour de notre bulle et vivons chaque instant très intensément. Aussi malade que soit ma sœur, nous aimons être ensemble. Cela nous rapproche encore plus. Ma famille aimante s’adapte sans la moindre hésitation. Mention spéciale aux ados qui se mettent entièrement au service de leur famille.

La petite Juliette

Quelle chance d’avoir ma filleule, la petite Juliette. Elle me permet de me changer les idées. Elle me fait rire en cette période difficile. Je vais lui faire un calendrier avec un compte à rebours. Chaque fois que sa maman doit aller prendre sa « potion magique » (la chimio), elle colle une vignette avec un visage en colère. Mon pilote automatique se remet en marche tous les jours. Les vacances d’été touchent à leur fin, et j’achète un joli cartable pour Juliette. Le 1er septembre, elle viendra à l’école avec moi.

Les préparatifs de la rentrée ont commencé, mais tout semble si bizarre sans ma sœur. Des plans sont en train de se mettre en place pour la nouvelle année scolaire, et je n’en veux pas. Je ne veux pas de nouveaux projets, de visages heureux, de collègues et d’enfants souriants… Je ne peux pas le supporter. « Ma sœur est malade, les gars ! Coucou ?! Vous avez oublié ? » Bien sûr que non. Ils n’ont pas oublié. Et beaucoup, beaucoup de gens chaleureux pensent à elle. Mais je ne suis pas capable de m’en rendre compte pour le moment.

Avez-vous déjà pensé à ce que ces derniers mois ont été pour moi ? Savez-vous ce que je ressens tous les jours ? Toujours à réconforter les autres, faire des câlins, comprendre, écouter… Et moi, dans tout ça ? Le début de la nouvelle année scolaire a été difficile pour moi. Heureusement, la petite Juliette a commencé l’école, dans ma classe. C’est comme si ma sœur était un peu près de moi.

Lueurs d’espoir 

Après la chimio, il y a eu les « petits rayons » chaque jour. C’est le mot que nous avons utilisé pour expliquer à Juliette que sa maman allait subir 33 séances de radiothérapie. Elles sont terminées, elles aussi. Hélène reprendra le travail en septembre (2021). Je pense qu’elle est assez nerveuse et anxieuse, mais comme nous travaillons ensemble, je peux aussi la soutenir au travail et continuer à m’occuper d’elle. Elle était également là quand nous avons terminé cette année scolaire avec les collègues. Au début, elle ne voulait pas venir, mais je trouvais cela important de lui faire passer le message : allez, sœurette, tu fais partie de l’équipe.

Il s’agit maintenant de donner une place à tout cela dans nos vies. À un moment donné, il faut lâcher prise. Les traitements sont terminés, mais les examens continuent de rythmer nos vies. Avec cette ambivalence : d’un côté, je suis contente qu’elle soit suivie de près, mais de l’autre, la peur est bien réelle à chaque fois. Il est important d’apprendre comment faire face à cela. Que nous réserve l’avenir ? Est-ce que tout va continuer à bien se passer ou non ?

Pour ma sœur aussi, cela a été difficile. Après les traitements, elle s’est trouvée dans le creux de la vague. Avant cela, elle pouvait chaque jour exprimer ses craintes et ses questions à l’hôpital. Et puis tout d’un coup, cette possibilité a disparu. Ça n’a pas été simple. L’oncologue l’avait prévenue et, finalement, Hélène s’en est sortie sans gros problèmes. En tant qu’entourage, il est important de continuer à apporter son soutien à la personne et à ne pas prendre les choses personnellement si vous vous faites remballer de temps en temps. Même si ce n’est pas toujours facile. Heureusement, nous avons pu tout mettre à plat.

Je pense qu’il est très important de ne pas tomber dans le catastrophisme et de voir le positif dans chaque chose. Sinon, on ne vit plus. C’est d’ailleurs ce que nous avons toujours fait : chercher un point positif dans chaque journée écoulée, aussi infime soit-il, y compris pendant le traitement. Et nous continuons à le faire.

Nous envisageons l’avenir avec espoir. Ce que j’ai surtout appris pendant cette période, c’est que l’on est beaucoup plus fort qu’on ne le pense. Bien sûr, on n’a pas vraiment le choix non plus. On peut évidemment ruminer et se rendre malade, mais ce n’est pas trop mon genre. Je suis une battante doublée d’une indécrottable optimiste. Je ne dis pas que c’est facile. Certainement pas.

Mais heureusement, j’ai pu compter sur mon pilote automatique. La gratitude de ma sœur et de la famille m’a donné la force d’aller de l’avant tous les jours. De cette période difficile, j’ai appris à me réjouir de sa présence, et du train-train quotidien, comme on dit parfois dans des circonstances normales. Mais surtout, j’ai une gratitude immense. Je suis reconnaissante d’avoir cette petite sœur. 

Hélène (33 ans)

Hélène a reçu un diagnostic de cancer du sein en 2020. De temps en temps, elle s’en veut de causer tant de chagrin à sa famille du fait de sa maladie, mais elle est particulièrement reconnaissante pour tout l’amour et le soutien qu’elle reçoit.

Avec tous ces supporters au bord du terrain, je ne peux qu’y arriver

En février, sur les conseils de mon ami, je suis allée voir mon médecin généraliste. J’avais une sensation bizarre dans la poitrine. Une semaine plus tard, ma gynécologue m’annonçait le diagnostic. Il y a deux ans de cela, elle m’avait offert le plus beau jour de ma vie en m’aidant à mettre au monde ma petite Juliette. Mais le 19 février 2020, elle a tout chamboulé en m’annonçant une terrible nouvelle. J’étais dans la fleur de l’âge : 32 ans. Une belle petite famille. Un travail d’institutrice de sixième année, un travail que je fais de tout mon cœur.

Pas un cauchemar, mais la réalité

Quand le réveil a sonné le lendemain, j’ai pensé pendant une seconde, une fraction de seconde, que tout cela n’était qu’un cauchemar et que je venais de me réveiller. Mais le cauchemar était bel et bien ma réalité. Je suis allée à l’école comme à l’habitude. Je voulais informer mes collègues et ma classe moi-même de ma situation. Ce jour-là, je me suis occupée d’une classe en pleurs. Les enfants ont posé des questions terriblement difficiles. « Vous risquez de mourir, Madame ? » Comment voulez-vous répondre à cela quand c’est vous qui êtes malade ? J’ai rangé ma classe et transmis autant d’informations que possible à ma cotitulaire. Du jour au lendemain, l’année scolaire était terminée pour moi. Pourtant, j’ai été forte ce jour-là. Pour les enfants de ma classe… Le soir, je n’en pouvais plus.

La semaine suivante, tout s’est enchaîné. J’ai couru d’examen en examen, espérant qu’il n’y avait pas de métastases. Avec ma mère à mes côtés. Aucune mère ne devrait s’entendre dire que son enfant est malade. Elle prendrait ma place si elle le pouvait, mais je ne le voudrais pas pour tout l’or du monde.

Mon médecin m’a présenté le plan de traitement. D’abord, une opération conservatrice. La tumeur devait être enlevée le plus tôt possible, parce que c’était une bombe à retardement. C’était bizarre, parce que je ne me sentais pas malade du tout. « Vous avez tiré le mauvais numéro », disent parfois les gens. Non, je ne crois pas. C’est tombé sur moi, c’est tout. Mais depuis le premier jour, je me suis montrée combative et positive. Cela m’a facilité la vie jusqu’à l’opération.

Ployer, mais ne pas rompre 

On m’a dit que j’aurais plus d’informations sur les traitements à suivre après l’opération. Je suis retournée chez la gynécologue avec ma sœur, pleine de courage. « La tumeur mesurait quand même 2,8 cm et deux ganglions axillaires étaient touchés. Nous n’avons pas d’autre choix que d’administrer une chimiothérapie. » Je ne me souviens plus de ce qui a été dit ensuite. Tout est devenu flou. La seule question que je suis arrivée à poser était de savoir si j’allais perdre mes cheveux. Heureusement, ma sœur était avec moi. Elle a continué la conversation pour moi, parce que j’étais complètement bouleversée.

Quelle gifle. Une chimiothérapie. Je me suis imaginé une femme chauve et malade. S’il y avait bien une chose que je ne voulais pas, c’était avoir l’air malade. Je n’ai pas beaucoup pleuré ces derniers mois. Je ne voulais pas perdre d’énergie à cela. Je voulais juste consacrer toute mon énergie au positif. Pourtant, à ce moment-là, j’ai ployé… Mais je n’ai pas rompu !

Cancer et coronavirus, quelle combinaison…

Quand je me suis rendue chez l’oncologue pour discuter du début de la chimiothérapie, notre pays était déjà en confinement. Cancer et coronavirus, quelle combinaison… J’ai dû me rendre seule à l’hôpital pour le placement du port-à-cath. Et pour ma première chimiothérapie.

J’ai abordé cette première chimiothérapie avec un sentiment ambivalent. J’étais heureuse que mon corps puisse commencer à combattre les cellules cancéreuses qui auraient pu passer à travers les mailles du filet. En même temps, j’avais peur des effets secondaires, peur de me sentir malade. C’est également très déroutant: on vous donne des médicaments pour aller mieux alors que vous ne vous sentez pas malade du tout, et ces médicaments, très précisément, vous rendent très malade.

J’ai eu mes quatre premières chimios à intervalle de trois semaines parce que c’était « une dose de cheval ». Et je m’en suis bien rendu compte… Chaque fois, j’arrivais à l’hôpital pleine de courage, et chaque fois, j’en ressortais comme une loque. Dans les jours qui suivaient la chimio, je me sentais davantage légume qu’être humain. Dieu merci, j’ai une famille fantastique. Ils ont pris soin de ma fille et de moi. Le coronavirus m’a forcée à garder ma fille à la maison. Elle n’est pas allée à la garderie pour ne pas risquer que je tombe malade.

Après la première semaine de léthargie migraineuse, de fatigue et de nausées, j’ai progressivement commencé à me sentir mieux. Pour ma fille, il est désormais tout à fait normal que maman fasse aussi une sieste l’après-midi.

Un amour inconditionnel 

Deux semaines après la première chimio, j’ai perdu mes cheveux. Émotionnellement, ça a été épouvantable. Les effets secondaires ne sont pas piqués des hannetons. Mais ma pire douleur, ça a été de ne parfois pas pouvoir m’occuper moi-même de ma fille, la mission de ma vie. Néanmoins, ma petite Juliette a été formidable. Elle me met au lit quand je me sens trop malade, et elle pense toujours que je suis magnifique sans cheveux. Si ça, ce n’est pas de l’amour inconditionnel… Juliette me rend le traitement supportable. Pour elle, je suis prête à endurer le traitement le plus lourd. Mon seul but, c’est de la voir grandir.

Je ne vais pas mentir : la chimiothérapie est lourde. Mais je n’ai pas perdu ma fierté. Je suis toujours la même. C’est pour ça que j’essaie de vraiment bien prendre soin de moi. Quand des gens me disent, parfois tout surpris, que j’ai bonne mine, cela me requinque. Ce n’est pas parce que je suis malade que je dois avoir l’air malade. Et peu importe que je sois dans un mauvais jour, avec un joli bonnet ou une belle perruque sur la tête, un peu de maquillage, des boucles d’oreilles sympas et une tenue élégante, je me sens tout de suite mieux.

Parfois, quand je suis toute seule, je jure. Je jure parce que j’ai ce foutu cancer. Je jure parce que ma vie s’est arrêtée. Je jure parce que je cause du chagrin à ma famille en étant malade et je jure parce que mon corps fait de la résistance. Mais je ne peux pas aller contre mon corps. S’il veut se reposer, je dois l’accepter. L’acceptation… Très difficile. Tout le monde me dit, plein de bonnes intentions : « Allez, bats-toi ! » Mais la vérité, c’est qu’on ne se bat pas. On subit. On subit les opérations, la chimio et les irradiations. On subit et on écoute ce que son corps a à dire.

Des larmes de gratitude 

Au début, mon GSM n’arrêtait pas de sonner. Tout le monde était sous le choc et inquiet, mais il y a aussi eu toutes ces personnes attirées par l’envie de savoir. Maintenant, mon téléphone est plus souvent silencieux. Les gens s’habituent. La vie continue. Je suis aussi positive. Cela enlève un peu de la préoccupation chez les autres.

Et puis, il y a les moments où je pleure. Non, pas de chagrin. Parce que je veux me laisser aller le moins possible aux larmes de chagrin. Après tout, ça n’aide pas à guérir. J’ai des larmes de gratitude. Gratitude envers ma famille et mes proches. Ils sont mon remède. Cette période difficile n’a fait que nous rapprocher. Je suis touchée par les gens qui m’entourent, de bonnes amies qui me confirment qu’elles sont toujours là pour moi. Je suis également agréablement surprise parfois. Par des gens qui étaient plus éloignés et qui se sont maintenant rapprochés.

Je suis aussi parfois déçue, par des personnes dont je pensais qu’elles seraient là, mais qui me demandent à peine comment je vais ou qui se bornent à me dire : « Dis-nous s’il y a quelque chose. » Facile… Je constate même que certains m’ignorent, simplement parce qu’ils ne savent pas comment se comporter avec « la malade ». C’est douloureux.

Faire le point

Un an, une opération, 16 chimios et 33 irradiations plus tard, je peux faire le point. Et mon Dieu, qu’est-ce que je suis fière de mon corps ! Les chimios ont été incroyablement lourdes. On ne réalise pas à quel point son corps s’affaiblit… À tel point que j’ai dû être hospitalisée pour une pneumonie juste avant mon avant-dernière chimio. Une semaine avant le premier jour d’école de ma petite fille. J’ai juré et j’ai pleuré. J’avais le sentiment que la moindre de mes petites joies me serait enlevée. Heureusement, j’étais à la maison le 31 août et j’ai pu vivre de près le premier jour d’école de ma fille. Cette fois, la chance était de mon côté. Et une fois encore, j’ai vu à quel point il est important d’être bien entourée. Mon compagnon, mes parents et ma sœur ont pris soin de moi et de ma fille. C’est vraiment ce qu’on peut appeler un amour inconditionnel.

Après ma dernière chimio, j’ai plongé dans un grand trou noir. Mon entourage était euphorique parce que la chimio était terminée. Ma famille était soulagée et beaucoup m’ont félicitée comme si c’était mon anniversaire. Et moi, je me suis sentie terriblement mal. J’ai détesté l’idée que la chimiothérapie soit terminée, et j’ai été prise d’angoisses parce qu’il n’y avait plus de contrôle. Et, à mes yeux, le cancer avait à nouveau le champ libre. La chimio me donnait un sentiment de sécurité et c’en était à présent fini.

« Heureusement », la radiothérapie a commencé un mois plus tard. De mon point de vue, c’était une nouvelle arme contre les cellules cancéreuses, et je me sentais donc à nouveau forte. Les vingt premières séances se sont déroulées sans le moindre problème. Puis ma peau a commencé à brûler. Je n’arrêtais pas de mettre des crèmes, mais ma peau ne supportait plus les irradiations. Au milieu de ma radiothérapie, ma belle-mère, qui avait développé un cancer des ganglions lymphatiques un mois après mon diagnostic, est décédée. Notre lien était devenu très fort pendant la maladie. Nous nous comprenions mieux que quiconque, nous traversions la même épreuve et nous nous parlions tous les jours. Ce soutien a disparu. Cela a été un énorme coup dur pour ma famille et pour moimême. Comme si nous n’en avions pas eu assez…

Le dernier jour de l’année, c’est assez symbolique, j’ai reçu ma dernière irradiation. Bienvenue dans cette nouvelle année, avec un sein placé sous les feux de la rampe pendant exactement un an, quelques vilaines cicatrices qui attestaient de la bataille que j’avais livrée, mais sans cellules cancéreuses !

Apaisement

Après la radiothérapie, je me suis raccrochée aux visites chez le médecin. J’ai demandé à tous mes médecins quel était le pourcentage de rechute dans un cas comme le mien. C’était une obsession. Je n’avais pas besoin de psychologues, juste d’être rassurée par les médecins. Jusqu’à ce que mon oncologue me dise : « À quoi bon vous dire que vous avez moins de 10 % de risques de rechute ? Il suffit que vous fassiez partie de ces 10 %. » À partir de ce moment-là, j’ai arrêté de chercher des réponses, de chercher une confirmation. Parce que c’est ce qu’il y a de pourri avec le cancer : on ne peut jamais être sûr. Mais si vous continuez à vous inquiéter, vous passez à côté de votre vie. J’ai donc laissé tomber, même si c’est difficile. Mais chaque jour, un leitmotiv me revient à l’esprit et j’en ai les larmes aux yeux : je veux voir ma fille grandir.

Je dois à présent suivre une hormonothérapie pendant au moins cinq ans, mais idéalement pendant dix ans. Après les premiers mois de traitement, avec un médicament appelé Nolvadex®, j’ai continué à avoir mes règles parce que je ne suis pas encore ménopausée naturellement. La tumeur qui m’a été enlevée étant sensible aux hormones, je reçois des injections supplémentaires de Zoladex®, pour mettre mes ovaires au repos. Beaucoup de gens sousestiment ce médicament. Quand vous faites une chimiothérapie, les effets secondaires se voient immédiatement à votre apparence. Avec une hormonothérapie, ils se remarquent beaucoup moins de l’extérieur. C’est « juste » une pilule à prendre chaque jour. Et pourtant, les effets secondaires ne sont pas négligeables. C’est difficile, pour une femme jeune, de subir tous les symptômes de la ménopause. À cela s’ajoutent les douleurs musculaires et les maux de tête… Mais arrêter ce médicament ? Jamais. Je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas rechuter, même si cela signifie un peu moins de qualité de vie.

Envie de retravailler 

Je me rends à l’hôpital deux fois par semaine pour mon onco-réhabilitation. Je travaille sur ma forme physique. Il y a des ateliers, des exercices de renforcement musculaire et de relaxation, le tout combiné avec des conversations avec les accompagnants et les autres patientes… Tout cela fait des merveilles. Pendant mon traitement, je n’avais pas envie de faire la connaissance d’autres personnes dans la même situation, parce que je ne voulais pas que mon monde ne tourne exclusivement qu’autour du cancer. Mais échanger avec d’autres patientes fait beaucoup de bien. Après tout, elles sont les seules à vraiment vous comprendre. Bien sûr, vos proches font des efforts. Mais il faut vivre cette expérience pour se rendre compte de ce que tout cela implique. Je vais maintenant diminuer progressivement les séances d’onco-réhabilitation, parce qu’en septembre 2021, je vais enfin pouvoir retourner en classe. Je suis tellement reconnaissante à ma direction, qui m’a toujours gardé mon poste. Je vais juste « récupérer » ma classe. Cette perspective m’a donné du courage tout au long de mon traitement, et cela m’a permis de me concentrer sur un objectif important.

Il a fallu beaucoup de temps pour que « l’envie » de travailler me reprenne. Et ce n’est pas un problème. J’ai simplement donné à mon corps et à mon esprit le temps et le repos nécessaires. Maintenant, je suis prête ! Avec un peu d’appréhension, j’avoue. Serai-je capable de travailler à 4/5 ? Vais-je pouvoir tenir le rythme ? Et si je suis trop fatiguée ? Et si ma mémoire, comme c’est souvent le cas, m’abandonne ? La chimio a laissé des traces, comme chez tout le monde. J’ai parfois des coups de fatigue soudains, et des problèmes de mémoire et de concentration qui me font douter de moi. Mais je laisse les choses se faire, l’envie de retrouver ma place dans la société est plus forte que la peur.

Une fin heureuse 

Le cancer ne m’a pas fait rompre. Quand les gens prononcent le mot « cancer », ils pensent immédiatement à la mort. Mais il y a aussi des « happy ends ». C’est là-dessus que nous devons nous appuyer, c’est là que nous devons puiser notre force. Même si c’est dur. Même si nos vies ne seront plus jamais les mêmes. C’est l’une des belles choses que la maladie m’a appris : il faut savourer la vie, chaque jour.

J’ai une seconde chance, et je vais la saisir à deux mains et la chérir. Chaque jour. J’ai appris que je suis plus forte que je ne le pensais. J’ai appris à relativiser. J’ai appris à savourer les petites choses. Mais surtout, j’ai appris à faire le tri dans mes relations. Je peux dire aujourd’hui que je sais sur qui je peux compter de manière inconditionnelle. Et cela, je ne l’oublierai jamais. Je suis devenue une personne « riche ».

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