08/02/2017

Des tartes et du cava chez le coiffeur

Le cancer est pour moi : une série absurde de moments et de situations, où tu te demandes sans arrêt si c’est vraiment à toi que ça arrive, si c’est vraiment ta vie. Des situations qui – souvent sans en être conscient sur le moment – peuvent prendre toutes sortes de directions. Cela peut être difficile et effrayant, parce qu’il y a vraiment peu de certitude dans ce genre de situation. Tu es forcé de rester courageux, alors que tu ne sais pas ce qu’il va se passer et à quel moment.

Si je pouvais choisir, je fuirais la plupart de ces situations. Je fuirais fortement, je nierais très certainement le fait qu’elles aient existées.

Mais je ne peux pas choisir.

Mes amis, eux, peuvent choisir. Et ils ont choisi d’éprouver ces moments difficiles, absurdes, tristes avec moi. Alors qu’ils pourraient tout aussi bien passer outre. Ils pourraient s’en tenir à rester en arrière-plan et regarder de loin cette situation éprouvante.
Mais ils ne le font pas. Sans aucune hésitation, ils ont décidé de ne pas me laisser tomber, alors qu’ils ne savent pas eux même ce qu’il va se passer. Je trouve ça drôlement courageux ?.  

J’ai des cheveux longs. Depuis toujours. Parce que je ne veux pas qu’il en soit autrement. Un jour mon médecin m’a dit : on va devoir faire une chimiothérapie. Un type de chimio où les cheveux vont probablement tomber. Il y a deux ans j’ai une fois donné mes cheveux à Coupe d’Éclat. Ça m’a paru évident, vu que j’allais de toute façon les perdre, qu’aujourd’hui je les donne à nouveau. Tous en une fois du coup.

C’est comme ça que je voulais que ça se passe, mais … de longs cheveux à la boule à zéro, ce n’est pas l’étape la plus évidente à franchir.

Je ne voulais pas que ça reste seulement « le jour où mes cheveux ont disparu » et je ne voulais pas le faire moi-même non plus, du coup : j’ai organisé une fête, une fête chez le coiffeur.

Avec le cœur serré j’ai envoyé à 9 de mes amis une invitation, dans l’espoir qu’au moins deux d’entre eux viennent : du cava, des tartes et coupes de cheveux au programme.

Et ensuite on patiente : c’est pas le plus alléchant des concepts, un jour de semaine, et pour la plupart pas la porte à côté. Oui, s’il y a deux personnes, je pourrai considérer ça comme un succès et je pourrais le faire.

… On était huit à y aller. Dont deux ont demandé pour se couper aussi 20cm … peut-être était-ce un peu trop court ? C’est quelque chose à laquelle je n’avais d’ailleurs pas du tout pensé, je pensais plutôt que pour moi on enlèverait mes cheveux et que les autres auraient un style de diva ?

Histoire de voir le positif dans chaque situation ?

Avec une caisse remplie de tartes, de cava et de mouchoirs chez le coiffeur du coup. Sans savoir ce que j’allais faire, penser, ressentir. Si j’allais rentrer courageusement à la maison ou plutôt comme une loque en larme.

Ce fût une superbe soirée, chaleureuse et unique. Nous avons pleuré, mais surtout beaucoup ri. On en a profité. Aussi banal que cela puisse être, mais : au moment où la longueur requise fût coupée, j’ai entendu les voix des personnes que j’aimais. Ca parlait dans tous les sens, de tout et n’importe quoi. Des choses du quotidien qui nous occupent l’esprit et qui font de notre vie ce qu’elle est maintenant. La vie que nous voulons. Et c’était bien.

Je suis impatiente d’avoir à nouveau des long cheveux. J’espère secrètement qu’ils reviendront bouclés.

Mais s’ils devaient être à nouveau coupés, je sais de quelle manière je le ferai.

Pour ceux qui était là, chez le coiffeur ou à d’autres moments ou d’autres façons : merci. Vous y étiez, ce qui fait que vous êtes toujours là.

Goedele