22/01/2021

Aux oubliés...

Je m’appelle Martin et jusque début 2020, j’avais une vie somme toute normale, une vie faite de hauts et de bas comme dans la plupart des familles, un boulot plus ou moins stable, un toit, deux enfants et surtout une jolie jeune femme. 

Tout commence en février : c’est en faisant un câlin que je constate une déformation au niveau de son sein gauche. 

Elle ne s’inquiète pas outre mesure car elle est sujette à des fibromes depuis longtemps mais j’insiste et je la pousse à faire un contrôle. 

Le virus du Covid-19 approche à grands pas et je suis inquiet. 

Grâce à la proactivité de la secrétaire de sa gynéco, elle obtient un rendez-vous assez rapidement. Cette intervention lui sauvera probablement la vie car deux jours après sa biopsie, c’est le lockdown total. Les rendez-vous « non-urgents » sont tout simplement annulés, le covid passe avant tout. 

La (mauvaise) nouvelle tombe 10 jours plus tard par téléphone. C’est un coup de massue. Lucie a 34 ans et on lui a diagnostiqué un cancer du sein HER2+, un crabe très agressif.

Malgré le confinement, les rendez-vous s’enchaînent rapidement : oncologue, chirurgien, mise en place du port-a-cath, PET Scan. Des rendez-vous auxquels elle devra se rendre seule car toute autre personne est considérée comme superflue au vu de la pandémie. 

C’est un calvaire pour moi qui ai cette envie de l’accompagner, de vivre avec elle ce cancer. Je ne suis bon qu’à attendre, parfois des heures sans nouvelles, alors que j’aimerais être là, présent. 

Je suis comme un lion en cage, c’est tellement injuste. Je me sens tellement inutile.

Certes, les infos finissent par arriver mais ce n’est pas pareil, j’ai envie de parler, de m’informer, de voir ces médecins qui prendront soin d’elle.

Je pleure tous les jours, mais j’essaie de faire bonne figure sans trop y parvenir.  Je dois être fort dans ce combat, cela va l’aider et pourtant, j’ai beau être solide, je craque. 

Ma battante va alors commencer un long combat : 6 chimios suivies d’une tumorectomie et de 28 séances de radiothérapie. En parallèle, des séances d’immunothérapie prenant place toutes les 3 semaines. 

C’est lourd, très lourd.  Le doute s’installe sur ma capacité à tenir et pourtant je ne suis pas malade.

Ce confinement s’éternise. Vient ensuite l’heure de cette fameuse première chimio. Je sais pertinemment bien que je ne pourrai être près d’elle mais j’essaye quand même d’aller jusqu’au service oncologie pour voir qui prendre soin d’elle, voir comment cela se passe. Je ne demande pas à rester, juste l’accompagner. Mais c’est un refus catégorique et je dois laisser ma femme, mon amour de toujours à l’entrée du service. 

Je me sens comme un pestiféré, comme quelqu’un « de trop ». Les infirmières (je ne leur en veux pas) ne font qu’appliquer le protocole en vigueur mais c’est dur, très dur. Je continue de pleurer et je rentre à la maison, seul.

Pour penser à autre chose, j’appelle différentes personnes. Certaines dont on attend un certain soutien sont aux abonnés absents ou font preuve d’une positivité toxique qui n’aide absolument pas ; d’autres au contraire, celles dont on n’attendait rien, se montrent on ne peut plus chaleureuses. Ça réconforte.

C’est seulement à la troisième chimio que je peux accompagner ma moitié. Quel soulagement, quel bonheur de pouvoir rencontrer enfin ces gens qui, au quotidien, s’occupent de nos proches malades.

Tant d’humanité, de professionnalisme. Je suis impressionné par cette écoute, cette patience, ces sourires visibles malgré les masques face à ces personnes parfois en grande difficulté.

Les chimios se passent et ne se ressemblent pas. J’ai parfois l’impression de perdre à petit feu celle qui fait battre mon cœur, cette fille d’habitude pleine de vie et d’énergie. J’essaie tant que faire se peut, de l’aider, de l’écouter, de la supporter aussi. 

Je m’occupe des enfants, des courses, du linge, de choses auxquelles je suis habituellement allergique.

Mi-septembre, après avoir brillamment relevé le défi chimiothérapie, elle est opérée avec succès. Cette foutue boule est enfin hors de son corps. Oui le sein a changé mais elle va bien, elle est là et elle m’épate une fois de plus par sa force de caractère, son courage, sa ténacité et son abnégation. 

Le combat n’est pourtant pas fini.

Comme Lucie a la chance d’être bien encadrée, elle commence de la revalidation cardio-physique, 18 séances d’1h30. Encore des absences... c’est long mais nécessaire... C’est devenu une « mamy » mais comme je l’aime et qu’elle en a besoin, je l’encourage… même si au fond de moi je préférerais qu’elle soit à mes côtés.

Ces absences justifiées m’ont marqué et m’ont fait réaliser à quel point elle compte pour moi. 

Je vais terminer ces quelques lignes en remerciant toute l’équipe onco de Sainte Anne à Anderlecht, du professeur T. V. au docteur B. VDM, en passant par Madame A. F. et toutes celles et ceux qui de près ou de loin ont aidé à sauver ma femme ! 

Aujourd’hui, le combat continue. Elle n’est pas guérie mais presque, je suis à nouveau mis de côté car la deuxième vague covid est là. Je prends sur moi mais je persévère grâce au soutien régulier des personnes qui continuent ce combat à nos côtés, tous les jours.

Vous n’êtes pas seuls. Parlez, quitte à répéter 50 fois la même chose. 

C’est essentiel. 

Des gens sont là, peut-être pas ceux auxquels vont pensez directement mais il y a une oreille attentive quelque part pour vous aider, vous soulager. 

Courage !!!

Martin